Présence Mariste en Corée du Sud

En 1971, une Province mariste du Mexique décidait de s’ouvrir à une mission lointaine : la Corée du Sud.

Ce pays de 35 millions d’habitants (pour 98 000 km2) n’a que 8 % de chrétiens (3 % de catholiques et 5 % de protestants), mais il y a dans l’âme coréenne un fond religieux assez puissant pour que la vocation religieuse y devienne un idéal compréhensible.

La religion nationale est le Confucianisme

La religion nationale (80 %) est le Confucianisme qui ne s’exprime pas par un culte public, mais est une sagesse qui comporte entre autres éléments une certaine idée de Dieu et un grand sens national et familial. Confucius est un sage chinois du Xe siècle avant Jésus-Christ. Sensiblement de la même époque, mais en Inde, le Bouddha a suivi une vocation mystique et enseigné une attitude de vie exigeante qui a été acceptée avec diverses nuances par une grande partie de l’Extrême-Orient. En Corée du Sud, les Bouddhistes forment 10 % de la population.

Pourquoi cette fondation des Frères mexicains ?

L’idée des Frères mexicains était donc simplement d’implanter en Corée la forme d’exigence évangélique que comporte la vie religieuse, c’est-à-dire le don total de soi au Seigneur et aux autres par la pratique des vœux de célibat, mise en commun des biens et recherche de la volonté de Dieu par l’intermédiaire d’un Supérieur.

Il s’agissait aussi de ne pas créer quelque chose d’étranger au pays qui risquerait de provoquer ensuite des réflexes de rejet anticolonialiste. La décision était donc d’envoyer quatre Frères mexicains en 1971, quatre autres en 1972, et ensuite d’en rester à ce chiffre. Cela signifiait donc que tout de suite devrait se développer une Province mariste coréenne où l’élément mexicain de départ deviendrait ensuite quantité négligeable : le grain enfoui en terre qui disparaît pour que grandisse la plante. Comme disait Jean-Baptiste : « Qu’il croisse et que je diminue ».

C’est ce qui a été observé. A vrai dire, pour diverses raisons, trois des huit Frères mexicains ont dû se retirer après un essai de quelques années (langue trop difficile à apprendre, nourriture à laquelle ne se font pas tous les estomacs, etc.). Les trois ont été remplacés, mais toujours sans dépasser le total de huit Frères mexicains.

On donne la parole à Fr Manuel (mexicain)
et à Fr Thomas (coréen)

Alors, vous. Manuel, qui êtes maître des novices, vous avez pu dès le départ trouver des vocations ?
Qu’avez-vous fait pour cela ?

Manuel Eh bien, six mois après notre arrivée, nous avons mis une annonce dans les journaux paroissiaux (il y a quelque 500 paroisses catholiques) disant à peu près :
« II y a des Frères Maristes en Corée. Voici ce que sont les Frères Maristes. Ils sont prêts à recevoir des aspirants à la vie religieuse ».

Moi. Et vous avez eu des réponses ?

Manuel. Oui, des lettres auxquelles nous avons répondu. Et effectivement des vocations sont venues. Et peu après nous ouvrions une maison pour permettre à quelques jeunes de vivre à notre contact, puis de commencer un postulat et enfin un noviciat.

Et actuellement, certains sont déjà devenus des Frères ?

Manuel. Oui, il y en a huit qui sont encore aux études ou déjà partiellement dans l’enseignement, au service des plus déshérités (cours du soir dans une école technique ou auprès des sourds-muets). Les aspirants ne deviennent postulants qu’après le service militaire qui dure trois ans.

Et vous, Thomas, vous ne parlez pas le français, mais vous vous débrouillez fort bien en italien et en anglais. Cela suppose déjà pas mal d’activités et de contacts, Quelles ont été les principales étapes de votre vie ?

Thomas Yoong Woo Jung (Coréen). Moi, j’ai l’avantage d’être petit de taille, ce qui m’a valu d’être réformé à l’armée et de gagner ainsi trois ans. C’est pourquoi, bien que je ne sois pas du tout premier groupe, j’ai pu faire plus vite des études qui s’achèveront l’année prochaine, à Rome, où j’ai déjà passé un an.

J’ai 27 ans. J’avais au départ fait des études techniques de menuiserie, spécialité que j’ai enseignée dans une école pour élèves très pauvres que tenaient les Sœurs du Bon Pasteur.
En 1972, j’ai appris l’existence des Frères Maristes et j’ai opté pour cette vocation enseignante qui correspondait bien à mes aspirations et aussi aux besoins profonds de mon pays.

Et dès le début vous avez trouvé chez les Frères une vie communautaire qui vous satisfaisait ?

Thomas. Oui, il y avait des confrères mexicains et quelques Coréens comme moi.
Les Mexicains gagnaient leur vie comme ils pouvaient. Evidemment ils ne risquaient pas d’enseigner du coréen, qui est une langue assez diabolique exigeant au moins deux ans de pratique continuelle de la part d’un étranger pour être parlée un peu correctement. L’apprendre pour l’enseigner serait une tout autre entreprise, et ce n’est pas le but que se sont posé les Frères mexicains. Aussi l’un d’eux enseignait de l’anglais, de l’espagnol et du français dans une école pour étrangers, l’autre était employé à la radio de Séoul pour les programmes espagnols, tel autre faisait de la catéchèse, mais l’important c’est que nous nous retrouvions en communauté pour la prière, les repas, le dialogue, la récréation.

Mais, entre vous, vous parliez quand même coréen ?

Thomas. Oui, et nous, les jeunes, nous servions de professeurs à nos formateurs. C’était une expérience de vie qui m’apparaissait très authentique. Les Frères mexicains avaient fait traduire les principaux livres de la congrégation : nos Constitutions, la vie du Père Champagnat, les biographies de nos premiers Frères. A l’usage des futurs aspirants, on avait fait éditer aussi une plaquette très illustrée d’une courte biographie du Père Champagnat. C’est ainsi que peu à peu l’arbre mariste prenait racine.

Evidemment les Frères coréens sont encore tous jeunes, et donc aux études plutôt que dans l’enseignement ?

Thomas. Oui, il faut bien commencer par le commencement. Mais tous les week-ends font de la catéchèse dans les paroisses ; et pendant les vacances (seulement 25 jours en Corée) ils vont vivre dans les villages les plus déshérités une vie très proche de celle des gens. Il y en a d’ailleurs qui vont dans un village de lépreux. Un peu effrayés au début, ils se sont maintenant bien habitués : le Seigneur nous délivre de toutes nos peurs.

Une dernière question : la référence mariale de notre congrégation a-t-elle influencé votre choix ?

Thomas. Je crois que oui, car les catholiques coréens ont beaucoup de dévotion à Marie. Comme en Italie, pays que je connais un peu maintenant, c’est peut-être une dévotion trop traditionnaliste qui attire plus les gens âgés que les jeunes ; mais justement je crois que c’est un des buts des Frères Maristes de faire retrouver à la génération qui monte le vrai visage de Marie, le femme qui a su évoluer dans un milieu qui n’évoluait pas.

Je crois aussi qu’une congrégation qui n’a que des Frères est bien faite pour donner un sens vrai à une vocation de religieux laïque. En effet, après deux siècles de présence catholique, il y a bien 14 congrégations d’hommes qui se sont implantées, mais il n’y a que 25 Frères au total. Il est donc assez utile de sortir un peu le sacerdoce de l’idée de promotion humaine qu’il comporte trop aux yeux des fidèles, et de montrer que la vie religieuse peut avoir tout son sens du fait de la consécration à Dieu par les seuls vœux.

(Publié dans « Voyages et Missions » n°142, janvier 1981)

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