Qu’allait-il faire dans cette galère ?

Fr Guy Meynier parle de sa mission d’aumônier à la Maison d’Arrêt de La Talaudière à St-Etienne. (« Présence Mariste » n°231, avril 2002)

Il y a quatre ans le Père JOATTON, évêque de St Etienne, avec l’accord des supérieurs, me confiait une mission d’aumônier à la Maison d’Arrêt de La Talaudière. Je ne m’imaginais pas alors combien cette présence dans l’univers carcéral allait me transformer et modifier mes manières d’être et de faire. Et c’est en pareille situation que j’ai pu faire miennes les paroles de St Vincent de Paul :
« Ne vous occupez pas des prisonniers si ne vous consentez pas à être leurs sujets et leurs élèves. Ceux que nous appelons les misérables ce sont eux qui nous doivent évangéliser et convertir ; après Dieu, c’est à eux que je dois le plus. »

La prison, lieu d’étonnement et d’admiration !

En réunion d’aumônerie (une vingtaine de détenus), en visite de cellule, j’ai appris à écouter, à laisser déferler le flot de paroles pour saisir au passage le mot, la phrase qui permettra d’analyser, de repartir, d’aller plus loin.

La fréquentation d’un tel milieu me conduit d’étonnement en étonnement et provoque souvent mon admiration : Comment ces hommes tombés parfois si lourdement ont-ils pu conserver courage, sérénité et retrouver la foi dans ce cloaque qu’est la prison ? La vérité qu’ils essayent de faire en eux, autour d’eux, m’oblige, ici plus qu’ailleurs, à être vrai : pas question de tricher, mes paroles doivent coller à ce que je fais, à ce que je vis. Leur confiance me bouleverse.

Tout ce qu’ils confient dans les entrevues ne pourrait se formuler s’ils doutaient de la discrétion des aumôniers ; le grand déballage exigé par le tribunal populaire et les médias n’est pas concevable pour les accompagnateurs de ceux qui sont tombés. A nous, il est vrai, de faire le nécessaire pour qu’ils prennent leurs responsabilités.

Découvrir le visage de Jésus souffrant

Accompagner certains détenus au tréfonds de la misère humaine exige parfois grande violence sur soi, dans l’atmosphère irrespirable de la boue carcérale ; c’est une véritable descente aux enfers, certains soirs je sors de la Maison d’arrêt complètement abasourdi, me demandant dans quel monde je vis. Heureusement il y a l’équipe d’aumônerie, la communauté de l’Hermitage, la famille, les amis. Redire cette misère, en nourrir sa prière aident à retrouver l’équilibre.

C’est en ces lieux que j’ai pu découvrir les visages de Jésus souffrant, crucifié ; c’est aussi en ces lieux que les visages de Jésus ressuscité sont les plus éloquents. Cette découverte m’a fait comprendre pourquoi Jésus a voulu aller si loin dans l’expérience de la souffrance humaine.

Disciple de Marcellin Champagnat

Notre petite communauté chrétienne de la Maison d’Arrêt regroupe au maximum une quarantaine de personnes détenues pour 35O incarcérés… C’est si peu, petite cellule d’Eglise, grain de sénevé, levure dans la masse…
Ce relais rattaché à la paroisse de St JEAN SUR ONZON a retrouvé l’essentiel de la vie chrétienne ; loin des fioritures et des futilités de certaines pratiques, ces recommençants à croire se sentent proches de la Bible qu’ils lisent et relisent.

Les misères de l’Eglise reviennent au grand jour

Ma mission d’aumônier ne m’a pas enfermé dans le seul souci de ceux qui fréquentent l’aumônerie. Les discussions, les confidences, sont fréquentes avec des détenus non croyants, des musulmans, des surveillants ou du personnel. Dans ces échanges les misères de l’Eglise reviennent au grand jour : chrétiens trop sûrs de leur vérité, trop proches des gens biens, si loin des petits. Une Eglise qui parle et écrit beaucoup et qui fait ce qu’elle peut. Je n’oublie pas pour autant que cette Eglise c’est moi, c’est vous, c’est nous. Mais elle est, aussi et surtout ma mère.

Alors pourquoi étais-je partant pour la prison ?

Formé par des disciples de Champagnat j’ai toujours essayé d’aller au plus loin dans le service des jeunes et moins jeunes en difficulté. C’est notre mission à nous les religieux, d’aller aux marges, là où les détresses sont les plus criantes. Lutte continuelle pour ne pas se laisser enfermer dans un cercle de gens bien à l’aise, et bien installés avec qui nous aurions l’illusion de bien vivre notre vocation.

Alors sereinement, sans prosélytisme, j’essaye de poursuivre ma route au milieu de mes amis… Comment peut-on devenir ami de repris de justice ? Ils me le rendent bien ; fin juillet dans la chaleur insoutenable des cellules, j’ai entendu plusieurs fois cette phrase :
« Repose-toi, Guy, prends soin de ta santé, nous avons tellement besoin de toi ici ! »

Fr Guy MEYNIER

(Publié dans « Présence Mariste » n°231, avril 2002)

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