Adoption : Jamais deux sans … cinq !

Adopter, c’est apprendre d’abord à vivre ensemble, à construire ensemble, jeunes et adultes, l’avenir. C’est parfois un acte difficile, et pour les parents, et pour les enfants.

Marie-Rose et Jean, après plusieurs années de mariage et de nombreux examens médicaux, ne pouvant avoir d’enfants, ont un jour décidé de se tourner vers l’adoption.
Au début, ils souhaitaient adopter plusieurs enfants à quelques années d’intervalle et pourtant ce sera l’adoption d’une fratrie de trois jeunes enfants colombiennes en une seule fois.
Ils ont accepté de livrer, ici, leur témoignage pour « Présence Mariste ».

Pouvez vous nous expliquer un peu votre cheminement personnel jusqu’à l’adoption de Maria, Fernanda et Paula ?

Nous étions un jeune couple très amoureux, nous nous connaissions depuis la classe de troisième et avions presque toujours été dans la même classe. Tous les deux nous étions animateurs ACE (Action Catholique de l’Enfance). Si moi, Jean, je n’ai qu’un frère, Marie Rose, elle, a deux sœurs et deux frères. Nous avons toujours aimé être en famille et au milieu de nos neveux ou d’autres enfants.

Deux enfants mendiant dans les rues de Cali (Colombie)

Dès que tous les deux nous avons décidé de faire chemin commun dans la vie par le mariage, nous nous imaginions déjà entourés de deux ou trois bambins et, malgré notre très profond désir de fonder une famille, le verdict médical est tombé très sévère et définitif : nous ne pouvions pas avoir d’enfants…
Vous pouvez imaginer notre immense tristesse et profonde déception, notre vive rébellion contre une telle situation. Cependant malgré les larmes, nous avons vite décidé de réagir car il nous semblait qu’il n’était pas normal pour nous de nous refermer sur notre chagrin et de vivre tous les deux sans doute dans le bien-être matériel mais sans vrai but dans la vie.

Alors l’idée de l’adoption est venue rapidement, nous faisant à la fois rêver mais suscitant aussi mille craintes et interrogations.

Nous avons communiqué notre souhait à un ami médecin qui nous a expliqué les nombreuses démarches à faire et la nécessité d’avoir beaucoup de patience. Ce furent alors les enquêtes multiples diligentées par la DASS, les assistantes sociales, les dossiers nombreux à remplir, les lettres de recommandation à faire rédiger et mille autres démarches très souvent fatigantes, répétitives et désespérantes.
Heureusement que nous étions tous les deux de plus en plus persuadés que le sens profond du mariage c’est de fonder une famille et que nous nous encouragions mutuellement pour dominer souvent la déprime.

Très vite, nous nous sommes orientés sur une adoption à l’étranger et ce fut le BIEN ESTAR COLOMBIANO (équivalent de la DDASS française) qui a accepté notre dossier à CALI.
Notre joie fut immense quand un petit garçon de deux ans nous fut « attribué ». Nous passions des heures à regarder sa photo, à l’imaginer dans nos bras, à préparer sa chambre, ses jouets. Nous essayions aussi d’apprendre un peu la langue de « notre » petit gars, l’espagnol que nous n’avions pas étudié en classe. Nos amis et nos familles nous encourageaient et aidaient.

Vous nous parlez d’un petit garçon et vous avez trois filles ?

Eh oui, c’est incroyable mais, un soir, très tard à cause du décalage horaire, le téléphone a sonné… on nous parlait de Colombie et comme c’était en espagnol, on ne comprenait pas. Alors, on a vite fait appel à notre traductrice et on a rappelé Cali et l’horrible nouvelle est tombée : « notre » fils n’était plus adoptable, une vague personne de sa famille ayant simplement pris de ses nouvelles à l’orphelinat où il se trouvait.

Cependant le Bien Estar Familiar nous a proposé de suite trois sœurs très jeunes mais il fallait donner notre accord très rapidement en moins d’une journée. Vous imaginez la nuit qui fut la nôtre ! Mais autant Jean que moi, tout de suite, nous avons su que notre réponse serait « oui » puisque nous voulions plusieurs enfants et parce que nous pensons que l’on ne doit jamais séparer une fratrie. C’est donc ainsi qu’un beau jour nous sommes allés chercher à Cali nos trois petites filles bien aimées.

Qu’est ce que cela a changé pour vous ?

Nous pourrions dire que, d’abord, matériellement, il n’est pas simple de passer de deux personnes adultes à cinq membres de la famille. Il a fallu changer de véhicule, s’adapter à des nuits beaucoup plus courtes, souvent entrecoupées, remplir plus les chariots du supermarché mais cela n’est rien car nos petites filles nous le rendaient et continuent de nous le rendre au centuple.

Jeune maman colombienne venant inscrire son bélé
au « BIEN ESTAR » en vue de son adoption

Certains se voulaient compatissants envers nous imaginant nos difficultés dans notre nouvelle situation. Eh bien non ! Nous l’affirmons très fort : cela vaut la peine d’adopter et créer sa famille en en donnant une à des enfants qui n’avaient pas cette chance.

Mais, pour nous, adopter, c’est aussi savoir que notre rôle de parents adoptifs est celui de se substituer aux parents biologiques défaillants ; c’est aussi et surtout laisser les enfants grandir et leur donner toutes les chances de vivre vraiment dans une cellule familiale avec ses difficultés, ses problèmes mais aussi ses espoirs.

Donc, pour vous, adopter a été changer de vie ?

Oui, adopter, c’est s’ouvrir à des enfants et, par là-même, s’ouvrir aux autres, tout en étant conscients que ce n’est pas facile et que des difficultés peuvent surgir à n’importe quel moment.

Adopter, c’est apprendre d’abord à vivre ensemble, à construire ensemble, jeunes et adultes, l’avenir. C’est parfois un acte difficile, et pour les parents, et pour les enfants. Il ne faut pas adopter pour se faire en quelque sorte plaisir en ayant des enfants autour de soi comme on pourrait avoir des chiens ou des chats. Non, c’est une preuve d’amour réciproque, de confiance mutuelle, même, d’abandon total.
Éduquer un enfant adopté, c’est l’aimer beaucoup ; c’est aussi être exigent avec lui, lui apprendre qu’il y a dans la vie des limites, des difficultés à surpasser et que l’on n’a pas toujours ce que l’on veut, même si, souvent, face à un jeune bambin qui a souffert dès sa naissance, on aurait tendance à lui passer un peu tous ses caprices. Adopter c’est accompagner, c’est aimer, c’est avoir confiance en l’enfant c’est l’apprivoiser et lui laisser vivre « sa » vie.

Quel message pourriez-vous donner à des parents qui souhaitent adopter ?

Nous voudrions leur dire comme le disait Jean Paul II : « N’ayez pas peur. » Faites confiance. Oui, il y a parfois des soucis, des révoltes, des incompréhensions mais s’il y a de l’amour et de la bienveillance et si vous êtes croyants, s’il y a la foi et la confiance en Dieu, vous vivrez une aventure unique d’amour.

Car nous, nous étions très malheureux de notre stérilité et nos petites filles étaient aussi très malheureuses dans l’anonymat d’un orphelinat colombien mais, tous les cinq depuis maintenant presque quinze ans, nous sommes pleinement heureux, sans vivre pour autant un bonheur béat.

En effet, souvent, avec Marie, Paola et Fernanda, nous évoquons les problèmes dramatiques des enfants des rues d’Amérique Latine et souvent nous évoquons le chagrin et la douleur qu’a dû avoir leur maman biologique quand elle a été obligée de se séparer de ses bébés pour de multiples raisons qu’il ne nous appartient nullement de juger.

Pour finir, nous ajouterons que l’adoption, c’est finalement bien plus que le projet d’un couple qui a envie d’avoir des enfants comme tout le monde. C’est un acte qui engage profondément les parents adoptifs qui reçoivent alors la mission de l’Amour tout en n’oubliant jamais que les enfants ne nous appartiennent pas.

Oui, cela vaut la peine et cela change tout avec les enfants ; alors, oui, la vie est belle, quelles que soient les difficultés existantes !

Entretien réalisé par Marie Françoise POUGHON avec Jean et Marie-Rose

(Publié dans « Présence Mariste » n°252, juillet 2007)

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