Témoignage : Un Frère Mariste visiteur de prison

Comment devient-on visiteur de prison ? Le plus important c’est l’écoute. (« Présence Mariste » n°242, janvier 2005)

Une réelle aventure

C’est un ancien élève du Collège Champagnat qui m’a fait découvrir le monde carcéral qui était pour moi un milieu complètement inconnu. Cette aventure a commencé au mois de novembre 1987.
Au départ, je recevais chaque semaine un courrier de ce détenu ; jusqu’à sa sortie début 99, j’ai reçu près de 200 lettres. Il insistait pour que je puisse voir de l’intérieur la réalité de ce monde. C’est alors que je fais la connaissance de l’aumônier de la Centrale d’Ensisheim qui me proposa d’être visiteur de prison.

Comment devient-on visiteur ?

Il faut envoyer une lettre de motivation au DSPIP (Directeur du Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation). Il y a une enquête et des entretiens. Au bout de six mois, j’ai obtenu la carte qui m’autorise à rencontrer les détenus sans limite dans le temps et à ma convenance. Actuellement, je suis agréé auprès de la maison d’arrêt de Mulhouse. Je peux ainsi intervenir auprès de tous les détenus, prévenus ou condamnés qui en font la demande, à raison d’une fois par semaine ou tous les quinze jours.

Quel est le rôle du visiteur ?

Le plus important est celui de l’écoute. Dès l’entrée en prison, toute leur vie bascule et c’est l’effondrement. De la liberté ils passent à l’enfermement. Leur quotidien de vie se retrouve réduit dans dix mètres carrés. Le premier contact est essentiel. Le détenu a un grand besoin d’écrire, de parler et de se confier. Nos visites constituent parfois le seul lien avec le monde extérieur, surtout s’il est privé de relations familiales.

Au début, c’est souvent un cri de révolte, exprimé à travers la violence de la parole : « Nous sommes ici comme des chiens qui attendent que s’ouvrent les portes pour que nous puissions avoir notre liberté. Non, cela est trop injuste car c’est ici que l’on apprend à connaître l’enfer et le mal. » (Parole d’un détenu)

Le visiteur doit alors accepter de recueillir cette souffrance. Derrière chaque détenu, il faut donc savoir reconnaître une personne et non un dossier. Lentement et au fur et à mesure des rencontres, le visiteur fait avec lui une relecture de sa vie, de ses relations afin de faire renaître la confiance qui lui permettra de préparer avec l’aide du SPIP (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation), sa réinsertion.

Les rencontres individuelles ressemblent souvent à une peinture où l’on passe de l’ombre à la lumière et inversement. Un autre détenu me disait : « Vous savez, une seule lettre que l’on reçoit et la journée devient une journée de soleil et avoir un parloir, c’est une semaine de joie. »

Ce qui a changé dans ma façon de voir les personnes :

Ainsi, depuis 99, j’ai pu rencontrer des détenus issus de toutes origines sociales mais le plus souvent ce sont des personnes qui dès leur enfance ont accumulé des échecs : échec scolaire, familial et social. Grâce à mon insertion dans ce milieu, j’essaie de porter un autre regard sur les jeunes qui me sont confiés au sein du Collège Champagnat (Issenheim - Alsace).
 Eviter de porter un jugement tout fait,
 essayer de comprendre ce que l’autre peut vivre à l’intérieur, ses joies comme ses peines
 et proposer des repères, une échelle de valeurs humaines et chrétiennes qui donnent sens à la vie.

Chaque année, à l’occasion de Noël, je propose à l’équipe des catéchistes de 5e de confectionner des cartes de Noël pour les 450 détenus de la maison d’arrêt de Mulhouse. Avec d’autres membres de l’ANVP (Association Nationale des Visiteurs de Prison), nous passons alors dans chaque cellule afin de distribuer des colis et des cartes. Comment, alors, ne pas éprouver une certaine émotion lorsque de grosses larmes coulent sur le visage d’un détenu, condamné à une forte peine, qui repense à ses propres enfants ou, gravée en soi, cette parole, « Même dans la nuit la plus obscure, il y a toujours une étoile au bout de ton regard ».

Frère Lucien SILBERBAUR

(Publié dans « Présence Mariste » n°242, janvier 2005)

Vos réactions

  • Elisabeth CHALON-ALLIMANN 12 décembre 2010 18:27

    Bonsoir, La difusion d’un reportage aujourd’hui sur KTO ayant pour thème les visiteurs de prison par « l’association du bon larron » m’a interpellé. Aussi, je souheterai avoir des précisions sur cette forme de bénévolat et plus précisément sur un échange de correspondance. Je suppose que dans un premier temps il me faut remplir un dossier. Pouvez vous me renseigner. Merci

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