Fraternité de Sambanda

Bangui 1973 : Mener une vie plus proche de celle des gens avec qui ils travaillent, tel est le projet des fr Jean-Louis ROGNON et Georges PALANDRE. (« Présence Mariste » n°160, juillet 1984)

Quand nous débarquons a Bangui, Georges Palandre et moi, en septembre 1973, nous avons le projet de vivre plus proches de la vie des gens au milieu desquels nous voulons travailler. La situation de nos deux communautés de R.C.A. ne favorise guère cela. Il faut essayer autre chose.

Ayant obtenu un contrat d’enseignement avec l’Etat centrafricain, nous sommes envoyés au lycée de Berbérati. A Berbérati, les frères du Séminaire St-André nous hébergent pendant deux semaines, en attendant que nous trouvions une maison.

Etapes.

Octobre 73 : nous nous installons dans le quartier Sambanda, à 4 km de la communauté du séminaire.

Octobre 74 : je suis envoyé au lycée de Bambari, dans l’Est du pays. Pendant un an j’habite avec un coopérant français dans la concession de ce lycée.
A Berbérati, Georges cohabite avec deux lycéens dans la maison de Sambanda.

Septembre 1975 : j’obtiens ma mutation au lycée de Berbérati ; nous reprenons notre vie à deux pour 5 ans.

Juin 1980 : Georges rentre en France pour recyclage. En attendant son retour, j’habite avec un professeur américain du Corps de la Paix.

Octobre 1982 : Georges étant « embarqué » pour le Noviciat de Montagny [Suisse], je rejoins la communauté des frères du Séminaire… où se pose maintenant le problème de l’accompagnement de quelques aspirants et postulants.

Conditions de vie

Notre maison est située à 10 minutes de marche du Lycée et du centre-ville, à 5 minutes de l’église du Sacré-Cœur…
Elle est un peu à l’écart du quartier, mais facile d’accès, ouverte sur une rue très fréquentée. Elle est en dur ; la concession qui l’entoure exige un entretien continuel pour éviter l’envahissement par la brousse, mais elle permet aussi de jardiner.

Chaque soir nous prions avec la communauté des Sœurs, et l’aumônier du lycée : vêpres et messe.

Nous assurons au lycée un service complet d’enseignement : Georges en histoire-géo, moi en français et philo. Hors de cela, Georges s’engagera de plus en plus dans l’animation des jeunes du quartier, puis dans le basket, puis dans la J.E.C. Pour moi, j’aurai tantôt de la catéchèse, tantôt un groupe de réflexion pour les fonctionnaires, une bibliothèque pour les élèves…

Lundi de Pâques 1984, au bord de l’Oubangui, la communauté des « Rapides »

Nous rencontrons régulièrement nos confrères du séminaire le dimanche à midi, et chaque quinzaine pour prier et réfléchir ensemble.

Evolution

Sans vouloir vivre vraiment « à l’africaine », nous avons cherché un mode de vie assez simple qui nous permît de nouer des relations de compréhension et d’amitié avec notre entourage. Nous considérions cette approche comme un préalable à l’action missionnaire.

Avons-nous réalisé cet objectif ?…
Dès le début, les circonstances nous entraînent dans des choix qui nous posent questions ; c’est particulièrement vrai en ce qui concerne notre niveau de vie matérielle :

  • pendant nos absences, il faut quelqu’un pour garder la maison (il y a des voleurs, et nous ne voulons pas de chien !). Nous embauchons Denis qui sera notre fidèle gardien, et surtout notre cuisinier.
  • pour visiter les groupes de jeunes dans les quartiers, pour faire la provision d’eau hebdomadaire et bien d’autres courses, une voiture économise beaucoup de temps et d’efforts : nous achetons une 2 CV, ce qui ne vas pas sans carburant, et matériel de réparation.
  • et comme nous avons beaucoup de relations amicales avec nos collègues de l’enseignement ou de la fonction publique, il faut les accueillir décemment avec boissons fraîches ; il faut des vivres frais… et par conséquent un frigo !
  • et comme le ravitaillement est très irrégulier, il faut faire des réserves… en essence pour circuler, en pétrole pour s’éclairer, en conserves alimentaires…

De fil en aiguille, nous voilà employeurs, et bien installés avec voiture, frigo, réchaud à gaz, magnétophone, appareil photo, régime alimentaire riche, réserves de toutes sorte, outillage, bibliothèque, pharmacie…
toutes choses très utiles sans doute, et utiles pour notre voisinage plus que pour nous-mêmes. Mais cela nous établit dans un confort qui nous différencie de façon criante, de nos voisins à l’existence si précaire !

Par ailleurs nous pouvions compter sur nos confrères du séminaire pour les menus dépannages de la vie courante.

Quelle suite ?

Cette expérience n’a pu être menée bien loin ; elle n’a pas débouché sur des résultats apostoliques perceptibles. Peut-être a-t-elle favorisé l’éclosion de quelques vocations maristes ?

Nous sommes restés pour nos voisins des « professeurs », entourés d’un certain prestige. Mais nous pensons avoir été aussi de bons voisins pour eux, facilement abordables, chez qui l’on pouvait venir à tout moment demander service, ou simplement bavarder ; même si nous n’étions pas souvent assez « disponibles » pour prolonger ces entretiens !

Et puis nous avions notre concession à entretenir, à cultiver ; ce n’était pas une petite surprise pour les passants de nous voir manier la machette et la houe !

On nous accueillait aussi avec plaisir ; nous avons pu partager certaines difficultés des familles, et certaines de leurs réjouissances, notamment dans les veillées.

Je pense que cette tentative vaut la peine d’être reprise, et poussée plus loin, dans des conditions renouvelées, à la lumière de ce qu’elle nous a appris.

Berbérati, le 28 avril 1984, JEAN-LOUIS ROGNON

(Publié dans Présence Mariste n°160, juillet 1984)

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