Les Frères Maristes et l’Europe.

Les Frères Maristes avaient déjà des écoles dans les autres pays d’Europe quand on ne parlait pas encore de construction européenne. (« Présence Mariste » n°245, octobre 2005)

La religion enseignée par Jésus est une religion universaliste. Reprenant le message déjà exprimé dans l’Ancien Testament il a fait éclater le particularisme juif. On le voit accueillir le centurion romain et exaucer la prière de la syro-phénicienne. Il dit qu’il a d’abord été envoyé « aux brebis perdues de maison d’Israël » mais il n’en reste pas là. Il le pressent : la masse de ses compatriotes ne l’accepteront pas comme Messie.

Plusieurs de ses paraboles le donnent à comprendre. Après son départ le problème se posera douloureusement à la primitive Eglise. Fallait-il accepter les païens sans les obliger à passer par le moule des observances juives ? Avec Paul de Tarse, le persécuteur converti sur le chemin de Damas, le tournant est pris définitivement. Cette tradition de la plus grande ouverture s’est perpétuée. Le salut apporté par Jésus est bien pour tous les hommes, aucun peuple ne peut revendiquer cet héritage pour lui seul.

Une ouverture sur le monde entier.

C’est dans cette tradition que s’inscrivent les Frères Maristes, comme toutes les congrégations et ordres religieux.
La France de la Restauration se croit investie d’une sorte de mission universelle. C’est le début de la grande expansion coloniale. Après la Révolution l’Eglise connaît un regain de dynamisme. On voit naître beaucoup de congrégations nouvelles. Celle qu’a fondée le Père Champagnat ne restera pas longtemps confinée à une région. Ses Frères s’implanteront au-delà des frontières bien avant la fin du XIXe siècle. Ce fut aussi le cas de toutes ces nouvelles congrégations à des degrés divers.

Les établissements dans les pays voisins de la France connaîtront un développement particulier. En 1903, quand la congrégation sera sommée de se disperser, les Frères pourront rejoindre, s’ils le souhaitent, des maisons existantes en Belgique, en Angleterre, en Suisse, en Italie, en Espagne, sans parler des pays hors d’Europe qui reçurent de forts contingents comme le Canada, le Brésil ou le Liban par exemple.

En quittant son pays, le Frère français retrouvait des compatriotes, partis avant lui, mais aussi des confrères étrangers animés de la même foi et qui avaient reçu la même formation mariste.
Quant au jeune qui voulait devenir Frère, il se trouvait souvent mêlé à des camarades d’autres pays. Entre 1903 et 1940, on ne pouvait plus faire son noviciat en France. Il fallait s’expatrier et rejoindre une maison en Belgique, en Italie, en Suisse ou en Espagne. Vint le temps où les maisons de formation se réinstallèrent à nouveau en France. Les jeunes Français, venus nombreux dans les années d’après guerre en côtoyaient d’autres venus des pays voisins ou de plus loin encore. Leurs professeurs ou éducateurs avaient fait de longs séjours à l’étranger le plus souvent. Parmi eux, on trouvait aussi des Frères étrangers. Jamais on ne sentit la moindre différence entre ces adultes d’origine et culture différentes.

A la synagogue de Vichy, des Frères de l’ex-communauté de Budapest reçoivent la « Médaille des Justes des Nations », pour avoir sauvé des enfants juifs pendant la Seconde Guerre Mondiale.

La France Mariste de cette époque était divisée en une demi-douzaine de « provinces ». A chacune d’entre elles, on attribuait des pays étrangers comme « mission ». Les Frères qui avaient travaillé dans ces pays, quand ils revenaient chez eux, en restaient marqués. Fréquemment, on les entendait parler avec enthousiasme de leurs années de jeunesse passées là-bas, un enthousiasme qu’ils savaient nous faire partager et qui nous faisait rêver. Des horizons nouveaux s’ouvraient pour nous également.

Une expérience au-delà des frontières.

Après 1945 on proposa régulièrement aux jeunes Frères de passer quelques années, comme enseignants dans des établissements maristes de l’étranger. C’était le temps où la coopération au titre du service national se mettait en place. Cette chance de passer 2 ou 3 ans en Grèce, au Liban, en Algérie, à Madagascar fut offerte à la plupart d’entre eux. Des séminaristes en bénéficièrent également. Cette formule s’est beaucoup développée par la suite.
On sait tout le bénéfice que les jeunes coopérants, de nos jours encore, retirent des années passées à l’étranger. Ils partent en se disant qu’ils ont beaucoup à donner à ceux vers qui on les envoie. En revenant, leur discours est différent. Ils aiment à répéter qu’ils ont beaucoup reçu.

Quand on a grandi dans ce climat privilégié, on est marqué plus qu’on ne saurait le dire. On ne peut être que des Européens convaincus. Il faut ajouter une spécificité qu’on retrouve évidemment beaucoup chez les religieux. On n’est pas tourné vers l’étranger pour en tirer quelque profit économique mais parce qu’on a découvert sa richesse culturelle et parce qu’on est orienté vers cet universalisme par sa foi chrétienne.

Les établissements maristes de l’Europe.

Les Frères Maristes, bien avant que l’Europe fût à l’ordre du jour, avaient déjà des écoles dans presque tous les pays qui forment aujourd’hui l’Union européenne. Les secteurs de Belgique, Grande-Bretagne, Irlande, Espagne, Italie furent très prospères. On trouvait aussi des écoles en Hollande, en Suisse, en Allemagne, au Portugal, en Grèce. Si j’emploie le passé ce n’est pas pour dire que ces établissements n’existent plus. Quand les Frères, faute de relève, ont dû se retirer, des laïcs, formés par eux, ont pris leur succession.

Le lecteur remarquera que les Frères Maristes furent à peu près absents de l’Europe Centrale et de l’Est. Pourtant il faut mentionner le bon travail réalisé en Hongrie. Beaucoup d’enfants juifs de ce pays, pendant la Seconde Guerre mondiale ont dû leur salut au courage d’une communauté de Frères de Budapest. Notons aussi la présence éphémère des Frères avant 1940 à Belgrade et dans un autre établissement situé dans l’ancienne Yougoslavie.

Frère Hilaire Détraz, décédé en 1980, et qui passa plusieurs années en Yougoslavie note malicieusement dans son journal qu’au temps de la lutte contre les congrégations à la fin du XIXe siècle et au début du siècle dernier, les ministres du gouvernement français étaient bien conscients que ces « congréganistes » qu’on pourchassait en France pouvaient être très utiles pour étendre la culture française.


Et quand l’un de ces représentants de l’Etat français était reçu au Liban, en Grèce, en Serbie, en Hongrie ou ailleurs, il n’avait que des éloges pour ces compatriotes en soutane qui se dévouaient dans des écoles modèles où le français tenait une bonne place.
Lorsqu’on quittait l’ingrate mère patrie pour avoir le droit de demeurer « Frère » - officiellement - on n’en restait pas moins Français et fier de l’être et cela se sentait, un peu trop parfois.

Fr Bernard MEHA

(Publié dans « Présence Mariste » n°245, octobre 2005)


fr. Hilaire DETRAZ, retiré à Varennes-sur-Allier, a raconté l’histoire de la présence des Frères Maristes à Monastir (appelé maintenant Bitolj) en République de Macédoine et à Belgrade. Il a achevé ces « mémoires » contenues dans un gros cahier abondamment illustré en 1980.

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