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Fourvière : promesse d’avenir

Le 23 juillet 1816…
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« C’était il y a 200 ans. Le texte nous émeut. Leur promesse nous engage-t-elle aujourd’hui ? L’engagement qu’ils ont pris, il y a deux siècles, peut-il être encore le nôtre ? » (Présence Mariste n°288, juillet 2016)

Le 23 juillet 1816…

P. François Drouilly

Une douzaine de jeunes gens, prêtres depuis la veille, se rendent à Fourvière. Tous ont été témoins, parfois victimes, des ravages révolutionnaires dans leur pays, dans l’Église. Ils ne peuvent se satisfaire d’un simple bilan, encore moins d’un jugement sur les malheurs des temps. Dieu est là, aussi présent aujourd’hui, après comme avant la Révolution. Leur parti est pris. Il faut inventer…
Voilà le défi. Ils décident de “se vouer irrévocablement, avec sérieux, en hommes mûrs, prêts à tout, y compris aux tourments ?… Aucune assurance de réussite. Ils risqueront l’aventure, avec Marie, “pour sauver les âmes ?, en son Nom.

C’était il y a 200 ans. Le texte nous émeut. Cet anniversaire, qu’allons-nous en faire : une commémoration des fondateurs ? Leur promesse nous engage-t-elle aujourd’hui ? L’engagement qu’ils ont pris, il y a deux siècles, peut-il être encore le nôtre ?

Nous promettons solennellement

En marche vers le sanctuaire de Fourvière
Photo F. Giorgo Diamanti

Quelle audace ! Ou quelle naïveté ? “Sauver les âmes… par tous les moyens !? L’engagement est simple : “Nous nous vouons irrévocablement, nous et tout ce qui est nôtre, dans toute la mesure de nos possibilités.?
Sommes-nous capables aujourd’hui de faire une promesse ? Et eux, les pionniers, l’étaient-ils ? Pour eux comme pour nous, la seule garantie de la promesse, c’est le don qu’ils font d’eux-mêmes, sans être assurés de ce qu’ils deviendront. Dès le départ, ces aînés nous indiquent une voie : ouverte à ce qui vient mais sans savoir ce qui vient. Sans autre assurance que la fidélité personnelle et collective. Et une confiance sans limites. Ce qu’ils font à Fourvière c’est un saut dans l’inconnu de ce qu’ils vont engager et de ce qu’ils vont devenir. Ils promettent ce qu’ils ne maîtrisent pas. Ils nous invitent à faire la même démarche hasardeuse.

Comment cela peut-il se faire ?

Comment tenir ce pari ? Comment faire ce saut dans un avenir non maîtrisé ! Ce qui fait tenir ces pionniers, ce qui justifie le don qu’ils font d’eux-mêmes, c’est l’amour et la confiance que donne l’amour. Amour de Dieu, amour de la vie…
Il y a beaucoup de similitude entre cet engagement et celui qu’un homme et une femme peuvent prendre l’un envers l’autre sans savoir ce qu’ils deviendront. On y retrouve la même folie, on donne, on se donne ce qu’on n’a pas encore, ce que l’on n’est pas encore. “La gloire de Dieu et l’honneur de Marie ? semblent à ces pionniers des garanties suffisantes pour risquer leur vie.

Nous, nos, nôtre

Cette déferlante d’affirmations plurielles attire notre attention ! Les termes de la promesse s’appuient sur le socle solide du groupe. Pas de différence entre eux : un groupe qui parle d’une seule voix ; chacun y trouve la source et la confiance dans sa parole personnelle.

Ce qu’on a promis ensemble, il faut le tenir ensemble. Dès l’origine, on sait toutes les difficultés liées à leurs rencontres, la dispersion, l’abandon de certains, les relations difficiles dans les diocèses et dans les communautés, les divergences sur le projet et tous les efforts qu’ils ont fait pour se retrouver.
Et nous savons bien, par expérience, combien cet ensemble a de l’importance pour tenir la promesse. Elle nous lie par-delà les continents, les engagements, par-delà les membres de la famille. Elle nous lie à nos confrères du temps passé : nous nous souvenons de celles et ceux qui nous ont dit, le plus souvent sans paroles, seulement par leur vie, ce qu’était une vie mariste, qui nous en ont donné le goût : nous savons ce que nous leur devons.

Partir, ouvrir l’espace de la mission
Photo F. Maurice Goutagny

Apparemment les premiers maristes, ont vécu cela en interprétant la promesse, en mettant sous chaque mot des réalisations, des manières de vivre qui leur semblaient en conformité avec leur engagement. Ils ont approfondi, inventé une manière de s’engager. Ils ne l’ont pas fait à notre place. Ils l’ont proposée à d’autres, librement. Apparemment, ils furent assez convaincants pour en convaincre plus d’un à les rejoindre. À nous de poursuivre la route.

Et la Vierge s’appelait Marie

Les signataires du formulaire ne lésinent pas sur le nom de Marie, l’honneur de Marie, la Mère de Jésus, et enfin… le nom des maristes avec cette insistance incongrue sur l’orthographe : il faut mettre les points sur les i comme on dit en français lorsqu’il s’agit d’insister et il ne s’agit pas d’hésiter sur l’appartenance ! Ce travail d’identification à Marie est un travail qui s’inscrit dans la vie quotidienne, dans la communauté, dans les engagements pastoraux de chacun.

Les compagnons de Fourvière ont choisi de prendre le nom de Marie, de nous le transmettre ; à nous de voir comment nous comprenons ce choix et en faisons notre priorité. Porter le nom de Marie est une référence à une origine ainsi que la responsabilité personnelle et collective de justifier ce choix par notre manière de vivre.

Et maintenant ?

Qu’allons-nous faire de cette évocation ? Admirer la générosité de ces jeunes fondateurs ? Tomber dans la morosité ? Regarder en arrière, c’est prendre le risque de s’attacher à un passé révolu. Ne prenons pas les premiers Maristes pour ce qu’ils ne sont pas : des surhommes. Ce sont des gens simples et leur spontanéité rend plus fortes encore les paroles qu’ils nous laissent.

Retenons ce qu’ils nous ont légué de plus précieux : le commencement. Leur héritage, leur détermination à faire leur le projet de Dieu et leur confiance en Dieu. On ne peut jamais en finir avec l’origine parce qu’elle nous constitue. Mais fixons-nous plutôt sur ce mot : le commencement ! Tout le reste est passé. Honorer ces premiers confrères, c’est oser après eux, commencer la société de Marie. Sachant d’où nous venons, nous pourrons mieux nous orienter et décider où nous voulons aller. Ces premiers maristes ne nous ont pas tracé le chemin d’avance : ils nous invitent à poursuivre une histoire commencée.

Il y a de la fraîcheur dans les commencements
Photo F. Giorgio Diamanti

Nous ne devons pas seulement répéter, ou actualiser. Il y a de la fraîcheur dans le commencement. Nous, nous voyons plutôt autour de nous l’usure, l’incertitude, la lassitude. Il ne s’agit pas d’un début ni d’un recommencement, mais d’un commencement. Nous n’en finissons pas de commencer comme nous n’en finissons pas d’aimer ! La promesse de Fourvière est devant nous. C’est à nous d’en découvrir la vérité, la fécondité, pour aujourd’hui. Nous ne savons pas ce que l’avenir nous réserve ; les premiers non plus. Ce que nous croyons, c’est qu’il faut nous laisser - comme eux - configurer par Marie. Qu’il nous faut aller vers les autres en les aimant, en aimant la Vie. Notre engagement ensemble, à corps et cœur perdus, sera la meilleure façon d’honorer la promesse de Fourvière. Il ne s’agit pas d’arriver mais de partir !

D’après un texte Sources du P. François Drouilly - SM
(Publié dans « Présence Mariste » n°288, juillet 2016)

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