PM 288

Le temps de la déconstruction-reconstruction (1968-1985)

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Les effets de la sécularisaton - Se vouer au sacerdoce ou à des tâches apostoliques - Mais que faire de la vocation mariste ? - Une des grandes difficultés nouvelles c’est de trouver des aspirants. (Présence Mariste n°288, juillet 2016)

Vers 1968, il faut se rendre à l’évidence : le monde se sécularise à toute vitesse, les églises se vident, les prêtres quittent le ministère, les mouvements catholiques se politisent : il y a une « crise catholique » globale à laquelle les Frères Maristes n’échappent pas. Le nombre global des Frères continue à baisser, mais de manière sélective. Se dessine une nouvelle carte mondiale de la congrégation avec un nord en crise profonde et un sud dynamique ou moins touché.

Les effets de la sécularisation

F. André Lanfrey

Pour parler net, les congrégations ne constituent plus, pour le clergé et toute une frange importante de l’Église, marquée par l’Action Catholique, qu’un type de militance dépassé et lié à une situation de chrétienté désormais en voie d’extinction. L’événement du concile Vatican II (1962-65) et les bouleversements socio-culturels des années 1968 ne font que donner à cette option une confirmation sans appel. Dans un tel contexte l’école catholique et ses serviteurs dévoués apparaissent donc irrémédiablement dépassés même si, animés d’un bel esprit de résistance, ils gardent des positions importantes, soutenues d’ailleurs par une partie non négligeable de la société.

Les congrégations – et parmi elles les Frères Maristes - ne sont pas insensibles à ces événements ; d’autant plus sensibles d’ailleurs que les Frères ont beaucoup élevé leur niveau intellectuel et que leur contact avec le laïcat s’est fortement intensifié, soit par contact quotidien avec les professeurs laïcs de leurs établissements, de plus en plus nombreux, soit par relations suivies avec les familles et des élèves très réceptifs à une conception sécularisée de la vie. Ils aspirent donc eux-mêmes à des changements ; et les événements des années 1960-70 vont leur permettre de les manifester au grand jour.

Se vouer au sacerdoce ou à des tâches apostoliques

Pelletier livre

Dans ces années deux problèmes majeurs se manifestent plus précisément. Tout d’abord le lien à l’enseignement que l’on peut formaliser ainsi : à quoi bon s’engager dans une vie religieuse si c’est finalement pour faire ce que des laïcs font aussi bien et souvent mieux ? Ensuite, il y a la relation au sacerdoce, particulièrement problématique hors d’Europe : puisque nous tenons des collèges qui manquent d’aumônier ou dont les aumôniers comprennent mal la tâche éducative, pourquoi ne pas devenir prêtres nous-mêmes ? Ce serait en outre un moyen de sortir d’un ghetto sociologique ou les Frères – contrairement aux religieuses – se trouvent enfermés, étant considérés comme des prêtres incomplets. Il y a donc tentation de sortir d’une vocation qui peut paraître un entre-deux entre laïcat et sacerdoce fort peu crédible. Et en conséquence, ne vaut-il pas mieux se consacrer à des tâches plus explicitement apostoliques que l’école, tels que catéchèse, action sociale ?…

Mais que faire de la vocation mariste…

C’était oublier quelque peu deux aspects de la vocation mariste : d’une part l’importance de la communauté ; et d’autre part, le fait qu’une vie religieuse intense donnait sens à l’éducation. En effet, un Frère n’était pas un simple enseignant mais était appelé à vivre en tension entre un engagement religieux exigeant en temps (messe, oraison, étude religieuse…), et une tâche éducative absorbante. C’était aussi négliger le fait que la communauté des Frères se confondait largement avec la communauté éducative de l’école, ou du moins lui donnait le ton. Mais, ceci dit, quels qu’aient été les mérites du système antérieur, celui-ci ne pouvait être maintenu tel quel. C’est entre 1967 et 1985 que les Chapitres Généraux de la congrégation (1967-68, 1976, 1985) –qui sont ses parlements- vont chercher des solutions dans une ambiance assez tendue.

De tous ces débats ressortent des orientations nouvelles : quant à l’école, il n’est pas question de contester absolument cette forme d’action, même si d’autres activités sont reconnues légitimes. En somme, l’Institut élargit ses perspectives, de l’école à l’éducation en général. Mais ce changement de fond rejaillit sur la communauté, qui n’est plus nécessairement lieu de l’action apostolique, mais de rassemblement de Frères participant à des œuvres diverses. La cohésion risque d’en souffrir.

Et, si ce n’est plus l’école qui rassemble la communauté, quel sera le lien unificateur ? À cette question redoutable les Chapitres répondent : la spiritualité, c’est-à-dire cette façon Mariste de vivre en chrétien comme les serviteurs de la mission évangélisatrice auprès des enfants et des jeunes. Mais encore faut-il définir exactement une notion qui jusqu’alors avait été plus pratiquée spontanément que conceptualisée.

Surtout, il n’est pas question que des Frères envisagent le sacerdoce : la tradition de l’Institut est laïque et le restera. En revanche, si les Frères sont des laïcs, il convient de considérer que les hommes et les femmes qui travaillent avec eux participent à leur tradition à leur manière. Mais avec quel type de lien et d’engagement ?
Finalement les nouvelles constitutions de 1986 dresseront le profil d’un corps à l’esprit très différent de celui d’avant, dessinant trois axes majeurs.

Likuni, Malawi - Elèves du collège - 1977
Photo fms

Quels sont ces aspects ?

1/ Les Frères Maristes ne sont pas des moines mais des Laïcs.
C’est pourquoi, après de longs débats ils ont rejeté le sacerdoce pour eux, mais reconnus comme membres de « La Famille Mariste » laïcs et clercs qui veulent participer à leur identité.

2/ Le cœur de l’identité mariste n’est plus une règle normative mais la spiritualité mariste apostolique
demandant à ses adeptes de coordonner : vie contemplative personnelle ; vie communautaire comme lieu de partage spirituel et de vie concrète ; vie apostolique dans des structures éducatives diverses.

3/ La mission : n’a plus pour but l’extension d’une chrétienté à des peuples non chrétiens, mais, dans un monde sécularisé, une évangélisation de peuples et de milieux divers, avec le souci de s’y inculturer.

Il va sans dire que cette mutation constitue un choc autant culturel que spirituel. En quelque sorte “on a changé la religion” . Ce qui est désormais offert aux aspirants maristes, Frères, laïcs ou même clercs, ce n’est plus une entrée au couvent mais l’acceptation d’un projet à construire, plus exaltant qu’auparavant mais aussi plus exigeant. Et une des grandes difficultés nouvelles c’est de trouver des aspirants pour tenter l’aventure.

F. André Lanfrey
(Publié dans « Présence Mariste » n°288, juillet 2016)

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