Le comité de Présence Mariste a jugé intéressant de reprendre un article paru dans une revue de la province mariste : Europe Centre-ouest, présentant une page de l’histoire de la province mariste d’Allemagne sur une œuvre remarquable des Frères allemands bien dans la tradition de Marcellin Champagnat.
Même s’il s’agit d’une œuvre du passé, celle-ci peut avoir toute sa place dans la rubrique « Présences » de notre revue.
L’histoire de la province d’Allemagne a connu beaucoup de temps forts et est riche en œuvres remarquables. Les écoles et les pensionnats ont toujours été au centre des activités des Frères. Ces œuvres étaient très florissantes au moment où, en 1936/37, le régime nazi ordonna leur fermeture.
Une œuvre, comme celle de Neuherberg [1], était cependant toujours restée dans l’ombre de nos grands établissements. Elle occupait dans le passé une place toute spéciale dans la mission éducative des Frères.
Le travail de nos Frères
Il consistait à assurer la direction et à prendre en charge des jeunes du centre de rééducation de Neuherberg.
Les Frères débutèrent leur travail en 1922, dans des conditions extrêmement dures. Il leur a fallu beaucoup de courage et une confiance indéfectible en Dieu pour se lancer dans une telle aventure. Il s’agissait de prendre en charge des jeunes des milieux défavorisés et dont certains avaient un lourd passé criminel derrière eux. La maison jouissait d’une très mauvaise réputation à l’époque, suite à des articles parus dans les journaux relatant certains scandales. Il fallait procéder à l’installation d’une nouvelle direction. Il incombait donc aux Frères d’assurer ce nouveau départ.
But et utilité de cette institution
Le rapport annuel de l’année 1924/25 nous-donne une idée du but et de t’utilité de cette institution. Nous lisons dans l’introduction : « Le centre de rééducation `Santa Maria’, dirigé par les Frères maristes se propose de donner à des jeunes garçons de 7 à 17 ans abandonnés ou en situation difficile, une éducation physique, mentale, morale et religieuse. »
L’institution comportait deux sections. La première regroupait les internes en âge d’école primaire et la deuxième les internes plus âgés.
Les Frères ouvrirent donc une école primaire et en même temps des sections professionnelles qui devaient permettre aux plus âgés d’apprendre un métier qui leur garantirait un bon avenir. Comme la plupart n’étaient pas intéressés par l’apprentissage d’un métier, on les orientait vers l’agriculture ou encore l’élevage des bovins et la production de lait.
Le jardinage permettait à d’autres de se former dans le domaine de l’horticulture. En outre, il y avait des ateliers de couture, de cordonnerie, de menuiserie, d’imprimerie, de reliure et de fabrication de matériaux de conditionnement.
Les pensionnaires
Parlons maintenant des pensionnaires et du caractère spécial de l’institution. Tous les enfants et jeunes gens nous furent envoyés par le centre de ’la protection de la jeunesse’ de Munich et par l’office de la jeunesse du gouvernement bavarois ou d’autres offices semblables de la circonscription.
Le rapport annuel de l’année 1928/29 nous renseigne sur les raisons du placement dans un centre de rééducation :
Familles désunies | 52 |
Escroquerie, fraude, vol | 40 |
Vagabondage, absentéisme (scolaire) | 81 |
Horreur de travailler | |
Délits sexuels | 17 |
Propension à l’immoralité | 22 |
Propension au vol | 60 |
Incendie volontaire | 02 |
Mauvaises tendances caractérielles | 11 |
Cette liste nous montre clairement les problèmes difficiles auxquels les Frères eurent à faire face. Voici une citation du directeur, Fr. Augustin Knapp, trouvée dans le même rapport annuel : « Il s’agit de guérir une détresse profonde et indescriptible. C’est un dur travail de patience que nous ne pouvons assumer qu’avec l’aide de Dieu. »
Les conditions de travail furent encore aggravées par le constant changement du nombre d’internes. Voici les statistiques de l’année 1928/29 :
Nombre d’internes en 1928 | 195 |
Nouveaux arrivés | 90 |
Sorties | 75 |
(Retour en famille ou travail dans un atelier) | 48 |
Fugueurs (Tous, à l’exception de 12, revenus au centre) | 22 |
Situation en fin d’année : pensionnaires | 201 |
Cela nous donne une idée du champ d’activité inhabituel des Frères.
Un travail extraordinaire
C’est avec un grand professionnalisme, un savoir-faire évident et une patience mariste à toute épreuve qu’ils sont parvenus à faire de ces jeunes en difficulté de bons citoyens capables de s’intégrer dans la société. Leur réinsertion fut facilitée par le fait qu’ils avaient appris un métier et expérimenté, dans un environnement religieux, une réelle sympathie. Beaucoup quittèrent le Centre munis d’un bon certificat et de recommandations prometteuses.
À la base de ces succès, il faut mettre en exergue un programme spécifique bien adapté. Les jeunes étaient également suivis médicalement et avaient toujours la possibilité de se faire accompagner par un aumônier.
Un programme varié et exemplaire réglait les temps de loisirs. Citons-en quelques-uns : initiation musicale, promenades et excursions, après-midis récréatives, jeux en forêt et pratique d’autres sports sur le terrain de la caserne adjacente, soirées conviviales, projection de films et de diapositives, soirées théâtrales à l’occasion de l’une ou l’autre fête, notamment de celle du Frère directeur. La chorale des jeunes était régulièrement mise à contribution lors des célébrations liturgiques ainsi que lors des premières communions et confirmations dans l’église St Ludwig de Munich. Le déplacement se faisait en voiture et la fanfare des jeunes du Centre accompagnait les choristes. La journée se terminait d’habitude par un joyeux repas festif dans l’une ou l’autre auberge.
La veillée de Noël était également préparée avec le plus grand soin et l’atmosphère toute familiale de la fête permettait de mettre un peu de baume sur quelques cœurs blessés et endurcis. Les cadeaux distribués à cette occasion provenaient de dons.
Oui, les Frères ont vraiment réalisé de grandes choses dans ce milieu pourtant difficile. Sans oublier l’aspect religieux de leur mission, les Frères n’hésitaient pas à offrir à leurs protégés la possibilité d’assister à la sainte Messe, chaque jour.
Cette œuvre exceptionnelle fut réduite à néant par le régime brutal des Nazis. C’était une œuvre exemplaire à tous points de vue et, dans le cadre de notre mission mariste, en avance sur son temps.
Augustin HENDLMEIR,
Commission du patrimoine
(publié dans Présence Mariste N° 263, Avril 2010)