n° 282 D’hier à aujourd’hui

Un Héritage brillamment assumé

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A la mort de Marcellin Champagnat les Frères Maristes ont élu un Directeur général, le F. François, l’un de ses premiers disciples. En 1840, les Frères Maristes ont une forte identité spirituelle et une solide tradition pédagogique mais sans reconnaissance civile ni religieuse. Sous la direction du F. Louis-Marie, la Congrégation, qui a environ 2.000 Frères en 1860, connaît un développement très rapide. (Présence Mariste n°282, janvier 2015)

André Lanfrey

Les 4 premiers articles parus depuis une année, ont présenté les origines de la Congrégation, à Marlhes, La Valle et l’Hermitage. Nous poursuivons maintenant cette rétrospective avec l’arrivée du gouvernement de la Congrégation à Saint-Genis-Laval. Celle-ci quitte définitivement les rives du Gier pour embrasser de nouveaux horizons, d’abord en France et très vite dans de nombreux pays.

Les Petits Frères de Marie après Marcellin Champagnat (1840-1879)

La mort de Marcellin Champagnat (6 juin 1840) étant prévisible, dès la fin de l’année 1839, les Frères Maristes ont élu un Directeur général, le F. François, l’un de ses premiers disciples, et deux Assistants : le F. Louis-Marie entré assez tardivement en 1832, mais très instruit ; et le F. Jean-Baptiste Furet entré en 1822, bon administrateur et brillant conférencier. Comme, à cette époque, on conçoit mal qu’une communauté de laïcs soit indépendante du clergé, le P. Colin, que M. Champagnat a désigné publiquement comme son héritier spirituel, supervisera le gouvernement des Frères.

Frère François, premier successeur du Fondateur

Ceux-ci ont un programme chargé. Comme ils n’ont pas d’existence légale il faudra reprendre les démarches en vue d’une reconnaissance civile. Pour rédiger une règle définitive il faut rassembler et mettre en ordre les notes laissées par le P. Champagnat ou recueillies par ses disciples, afin d’élaborer un texte législatif fidèle aux origines. Reste une question majeure : le P. Colin n’est pas persuadé que les Frères Maristes, bien plus nombreux que les Pères Maristes et nés d’une tradition un peu différente, doivent faire partie de la Société de Marie qu’il a lui-même constituée à Belley.

En somme, en 1840, les Frères Maristes ont une forte identité spirituelle et une solide tradition pédagogique mais sans reconnaissance civile ni religieuse. Pourtant, déjà bien installée dans les départements du Rhône, de la Loire, de l’Ain, de l’Isère et de la Saône-et-Loire, la congrégation poursuit son développement. En 1842 elle absorbe même les Frères de l’Instruction chrétienne de Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme) ; et en 1844 les Frères de Viviers (Ardèche), congrégations peu dynamiques.

Une doctrine bien définie

F. Louis Marie
Photo FMS

Les années 1840-50 seront donc consacrées à initier les nouveaux Frères à la tradition originelle ; à multiplier les démarches auprès du gouvernement français pour bénéficier d’une reconnaissance officielle ; à esquisser des constitutions définitives. La tâche est à la fois facilitée et compliquée par le P. Colin qui, progressivement, encourage les Frères à se gouverner eux-mêmes et donc à se séparer des Pères Maristes. Finalement, en 1851, les Petits Frères de Marie sont reconnus comme association d’utilité publique. Et, les années suivantes, ils tiennent un Chapitre général en trois sessions : la première (1852) fixe les Règles communes ; la seconde en 1853 établit le Guide des écoles qui réglemente la pédagogie ; la troisième (1854) définit les Règles du gouvernement.

Dès 1847, la doctrine spirituelle avait été largement explicitée par une grande circulaire sur l’esprit de foi, œuvre collective des Supérieurs. En 1855, paraîtra un catéchisme pour la formation des novices nommé Manuel de piété. Et l’œuvre doctrinale est couronnée en 1856 par une Vie de Marcellin-Joseph-Benoît Champagnat. Bien que nettement inscrit dans le genre littéraire hagiographique, l’ouvrage - rédigé par le F. Jean-Baptiste Furet - repose sur une sérieuse documentation.

Des hésitations dans le mode de gouvernement

Cette structuration ne s’est pas déroulée sans vifs débats ; et un malaise, particulièrement parmi les frères anciens, restera longtemps perceptible. En particulier, les Supérieurs ont persuadé le Chapitre général d’instituer un vœu de stabilité, inconnu de la tradition, que les Frères jugés les plus capables seront appelés à prononcer avant d’accéder aux charges importantes. Il est vrai que l’afflux de jeunes frères et un contexte de crise révolutionnaire (on est tout proche de 1848) ont suscité une volonté d’assurer un gouvernement plus ferme. Les trois Supérieurs eux-mêmes semblent avoir été quelque peu divisés, l’influence du F. François diminuant au profit de celle du F. Louis-Marie dont le prestige est encore renforcé par la construction d’une nouvelle maison-mère, à St Genis-Laval dans la banlieue de Lyon, plus proche des grands axes de communication, qu’il dirige en 1856-58.

Ayant acquis désormais le titre de Supérieur général, le F. François entreprend en 1858 des démarches à Rome pour obtenir une reconnaissance canonique de la congrégation. Mais, en France, des oppositions à l’émancipation envers les Pères Maristes se sont fait jour ; et à Rome on n’apprécie pas un gouvernement très centralisé. Une autorisation provisoire sera pourtant accordée en 1863. Malade, mais aussi réservé quant à la mutation de la congrégation, dès 1860 le F. François a laissé le gouvernement au F. Louis-Marie. Retiré à l’Hermitage dans ce qu’il nomme « le grand reliquaire du P. Champagnat », il mènera une existence discrète et ne mourra qu’en 1881.

Le Montet à St Genis Laval
Photo FMS

À la recherche de la reconnaissance légale et de l’approbation canonique

Sous l’impérieuse direction du F. Louis-Marie, la Congrégation, qui a environ 2.000 Frères en 1860, connaît un développement très rapide, favorisé jusqu’en 1860 par la politique conservatrice du gouvernement impérial. De vastes maisons provinciales et de grands pensionnats sont construits procurant à la Congrégation prestige, ressources et action pédagogique diversifiée. Mais le F. Louis-Marie n’est pas qu’un brillant administrateur : par des circulaires nombreuses il enrichit considérablement l’interprétation de la tradition mariste. De même, le F. Jean-Baptiste produit, jusqu’à sa mort en 1872, plusieurs livres complétant la doctrine des années 1850.

L’action et l’enseignement de ces deux supérieurs est néanmoins imbue d’un certain conservatisme politico-religieux, très typique chez les élites catholiques de cette époque, auquel les Frères souscrivent plus ou moins. Surtout, les relations de la congrégation avec une société qui apprécie le développement économique et une démocratie élargie, vont en être compliquées. Quand le F. Louis-Marie meurt au début de 1879, il y a plus de 3.500 Frères Maristes. Mais les Républicains, qui ne font pas mystère de leur volonté de laïciser l’école, sont en passe de contrôler le gouvernement. En somme le P. Champagnat avait laissé une association encore peu structurée et soucieuse d’accompagner l’évolution de la société. En 1879, c’est une Congrégation plus fermement établie mais aussi plus en retrait vis-à-vis du monde profane.

F. André LANFREY
(Publié dans « Présence Mariste » n°282, janvier 2015)

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