Bons chrétiens et bons citoyens

Une bonne éducation, selon le Père Champagnat, consistait à « former de bons chrétiens et de vertueux citoyens ». A l’époque actuelle, on essaie de fusionner harmonieusement foi, culture et vie. (Présence Mariste N° 271, avril 2012)

Le 19e siècle en France est marqué par une recherche parfois chaotique de la démocratie : Marcellin Champagnat, dans un tel contexte n’a pas été le seul à se donner une finalité éducative générale exprimée, selon les moments, par les expressions : « former de bons chrétiens et de vertueux citoyens » ou « former de bons chrétiens et de bons citoyens ». Jean Bosco et d’autres fondateurs utilisaient les mêmes termes.

Pour nous la question essentielle est : comment pouvons-nous réaliser cet idéal au 21e siècle ?

Un exemple concret

Je cite Yasmine, élève de 2de C au Lycée Montalembert à Toulouse. Après l’explosion AZF, le 21 septembre 2001, son lycée est logé dans des préfabriqués. Elle écrit dans la revue Échos des Algécos.
"Farid Laroussi, né de parents algériens non lettrés, est placé en pensionnat dès son jeune âge, dans notre établissement : douze années passées à Montalembert (autant dire qu’il a du mérite !).
Farid obtient donc son bac et est le premier lycéen d’origine immigrée à l’avoir obtenu chez nous. Il a continué ses études et est actuellement professeur de littérature française et maghrébine dans la prestigieuse faculté de Yale aux États-Unis."
Cet exemple m’interroge.

Comment Marcellin Champagnat s’y prenait-il ?

Il ne faisait pas de longues méditations de philosophie politique, mais vivait au milieu de ses paroissiens, rudes paysans de la montagne du Pilat.

En hiver, avec ses frères, Marcellin fabriquait des clous, comme les rudes paysans de La Valla

Sa vie était simple : « Parlant familièrement avec tout le monde, il savait se mettre à la portée de chacun, se plier à son caractère, entrer dans ses vues, dans sa manière de comprendre les choses… » Vie du Bicentenaire – pp. 41 et 42.
Parmi ses premiers disciples, il était l’un d’eux sans distinction marquante : « … Il travaillait avec les Frères, soit à cultiver la terre, soit à faire des clous ; il prenait ses récréations avec eux, visitait les classes pour encourager les élèves et pour diriger les maîtres. » Vie du Bicentenaire – pp. 78 et 79.

Nous pourrions multiplier les exemples et nous découvririons que par ses paroles, ses attitudes, et l’ensemble de sa vie, Marcellin Champagnat contribuait à former des citoyens conscients et dignes. La vie sacerdotale toute donnée aux autres indiquait un chemin de solidarité chrétienne que les croyants étaient invités à suivre…

Et nous aujourd’hui ?

Dans notre contexte historique actuel nous faisons partie du système éducatif français, dans le cadre de la loi dite « Debré » du 31 décembre 1959. Il en découle quelques risques mais de nombreuses chances.

Le risque majeur, c’est ce que d’aucuns appellent la nationalisation rampante avec une laïcisation tout en douceur. Nos amis du public nous le disent et s’interrogent : « Qu’est-ce qui vous différencie de nous ? Certains de nos lycées avec une bonne aumônerie sont plus chrétiens que certains de vos établissements soi-disant catholiques. »
Et ne parlons pas d’une privatisation sournoise. Tel Président de Conseil d’Administration d’OGEC (Organisme de Gestion d’Établissement Catholique) qui prétend s’asseoir sur le Statut de l’Enseignement Catholique promulgué par la Conférence des Évêques de France le 14 mai 1992, et qui, en même temps, dirige son organisme comme l’entreprise dont, par ailleurs, il est le patron.

Dans les fondations du nouvel établissement à Toulouse est inscrite la finalité éducative mariste : « Former de bons chrétiens et de vertueux citoyens »

Ces cas, même s’ils sont rares, doivent mobiliser notre vigilance tout en étant audacieux et remplis d’espérance, car la loi « Debré » est un support juridique précieux pour l’avenir de nos établissements et la formation de « bons chrétiens et de bons citoyens ».

La loi « Debré » reconnaît l’existence du caractère propre des établissements, pour nous caractère chrétien, et lui donne une ouverture pastorale. « L’enseignement placé sous le régime du contrat est soumis au contrôle de l’État. L’établissement tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience… » (Article 1)

"Le projet éducatif qui donne toute sa vigueur à la communauté éducative, développe le caractère propre chrétien, de l’établissement surtout s’il arrive à fusionner “harmonieusement la foi, la culture et la vie”."
(Congrégation de l’Éducation Catholique – Dimension religieuse de l’éducation dans l’École Catholique – 1988 – N° 34)

Dans le préambule du Statut de l’Enseignement catholique, deux orientations précieuses sont mises en évidence. Les établissements sont à la fois « structure civile et institution chrétienne ». Ils doivent donc « exercer leur mission dans le cadre de la liberté publique d’enseignement reconnue par la Constitution et le droit international et, en même temps, ils sont des institutions chrétiennes qui participent à un service d’intérêt national. »
Statut EC – Préambule p. 03

Il en découle que le service rendu par les établissements de l’Enseignement Catholique s’adresse à toutes les familles dans le cadre des institutions éducatives nationales dans le plus grand respect de la liberté individuelle. « L’Enseignement Catholique ne peut pas renoncer à la liberté de proposer le message et d’exposer les valeurs de l’éducation chrétienne. Il devrait être clair à tous qu’exposer et proposer n’équivaut pas à imposer. »
(Congrégation de l’Éducation Catholique – Dimension religieuse de l’éducation dans l’École Catholique – 1988 – N° 06)

En conclusion : retour à Farid Laroussi…

Il est professeur de littérature française et maghrébine à la faculté de Yale aux États-Unis.

Dans un établissement catholique pendant douze ans, il a bénéficié de la présentation du message et des valeurs chrétiennes mais, sans nul doute, dans le plus grand respect de sa liberté de conscience. Le résultat est là.

Malgré une situation sociale de départ difficile, il a travaillé courageusement à sa croissance en humanité afin d’en aider d’autres à découvrir le sens de leur vie à travers un enseignement littéraire situé à la jointure de deux cultures dont la rencontre peut être d’une très grande richesse humaniste.

La formule : « bon chrétien et bon citoyen » se comprend alors comme une voie menant au Beau, au Vrai, au Bien par l’avenue de la Liberté.


F. Maurice BERGERET
(Publié dans Présence Mariste N° 271, avril 2012)

Dans la même rubrique…

Mots-clés

Articles liés

Revenir en haut