Peut-on faire une lecture « pédagogique » de l’Evangile ?

Jésus se manifeste comme un Maître à penser dont le succès et la nouveauté du message inquièteront les autorités civiles et religieuses à un point tel qu’ils le feront condamner.

EVANGILE - « Bonne Nouvelle » - Un message novateur - « Révolutionnaire » a-t-on dit.
Peut-on faire une lecture « Pédagogique » de l’Evangile ?

Jésus y apparaît comme un Maître vénéré, recherché :
« Les foules allaient vers Lui et Il les instruisait. »
Marc 10, 1
« Des foules considérables le suivaient. »
Matt. 19, 1

Trois années durant, Jésus enseigne.
« Jésus sillonna toute la Galilée. Il enseignait dans leurs assemblées. »
Matt. 4, 2-3
« Il prêchait dans les synagogues de Judée. »
Luc 4, 44
« Il est descendu à Capharnaüm. Il a enseigné pendant plusieurs sabbats et son enseignement les stupéfiait par l’autorité de son langage. »…

Comme Socrate à Athènes, 400 ans plus tôt, Jésus se manifeste comme un Maître à penser dont le succès et la nouveauté du message inquièteront les autorités civiles et religieuses à un point tel qu’ils le feront condamner.

Nous aurions beaucoup à apprendre de la pédagogie de Jésus, de son attention aux plus « paumés », aux plus rejetés, de son respect de la liberté, de la créativité de ses interlocuteurs :
« Que veux-tu que je fasse ? »
« Que t’en semble, qui a été le prochain ? »
« Si tu veux, viens, suis-moi »…

En lien avec le sujet qui nous concerne ici, je ne retiendrai que le paradoxe qui existe entre l’attrait de la parole du Maître : « Jamais homme n’a parlé comme Lui », et la difficulté que Jésus rencontre à faire comprendre son message.

Marc, en particulier, souligne à 7 reprises, l’incompréhension des disciples devant les gestes et les paroles de Jésus :
« Alors, vous aussi, leur (ses disciples ) dit-il, vous manquez à ce point d’intelligence ? »
7, 18
« Vous avez des yeux et vous ne voyez pas ? Des oreilles et n’entendez pas ? »
8, 18
« Engeance méfiante ! dit Jésus (à la foule). Jusqu’à quand vous supporterai-je ? »
9, 19

Voilà qui devrait nous rendre patient et tolérant devant nos propres difficultés à communiquer notre savoir, surtout dans le domaine religieux.
A moins que, avec Simone WEIL, nous pensions qu’« il n’y a que ce qui résiste qui est réel. » Voilà surtout, qui illustre que toute nouveauté est difficile à vivre pour celui qui enseigne et même pour celui qui est enseigné. Il est si doux de se reposer sur le « mol oreiller » des us et coutumes, mais c’est un repos qui conduit à la léthargie.

Champagnat - Novateur

Tout fondateur est un créateur, un innovateur. Face à une situation insatisfaisante, inacceptable, il agit, il réforme, il crée.

Sur le plan de la pédagogie, Champagnat n’a pas été un penseur. Ses activités multiples d’organisateur, de formateur, de pasteur, de constructeur… ne lui ont jamais laissé le temps de la recherche intellectuelle, mais il n’a pas été, pour autant, un traditionaliste.

Frère André LANFREY montre bien dans « Marcellin Champagnat et les Frères Maristes » comment Champagnat a su adapter à son auditoire particulier d’enfants de la campagne, les théories pédagogiques en cours à son époque chez les Frères des Ecoles Chrétiennes ou chez les Jésuites. Montaigne dirait qu’il a su butiner différentes méthodes pour en faire son miel à lui, la conduite la plus efficace pour l’instruction de ces enfants.

Il n’a pas hésité à réformer les pratiques en cours quand elles lui semblaient inadaptées, même si cela faisait grincer des dents, comme ce fut le cas pour la nouvelle méthode de lecture :
"Malgré les réclamations de la part d’un certain nombre de Frères, il ne balança pas à rompre avec la routine." (Vie du Bicentenaire pp. 534-535)

Mais regardons plutôt le domaine éducatif où l’originalité de Marcellin Champagnat est plus évidente. A une époque où les méthodes spartiates de la cravache et de l’exclusion étaient de règle, il propose l’écoute, la patience, la compréhension :
"Ne jamais oublier que les enfants ont besoin d’être traités avec bonté, charité, indulgence ; instruits et formés en toute patience" (Vie du Bicentenaire p. 550)

L’exemple le plus frappant de cette nouvelle attitude éducative est celui de Jean Baptiste BERNE, petit orphelin recueilli par Marcellin Champagnat. Enfant « habitué à vivre en vagabond », il devient exaspérant au point que :
« Les Frères découragés, finiront par prier le Père de l’abandonner à son malheureux sort. Champagnat dut exhorter les Frères à la patience et au courage, durant de longs mois. Finalement, Jean Baptiste BERNE changea entièrement… Il demanda à être formé pour être Frère…. Il fut un Frère pieux, régulier et obéissant…. »
(Cahiers Maristes N°4 p. 72 )

Fr Michel FATISSON

Il termine son article en citant le poème de Jacques PREVERT
"Pour faire le portrait d’un oiseau"
que vous pourrez lire à la page 3 de la revue.

(Publié dans « Présence Mariste » n°233, octobre 2002)

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