La bienveillance dans notre société

Application du principe de bienveillance par un fonctionnaire d’autorité

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« A l’approche de ma retraite, l’expérience me démontre que vivre la bienveillance reste étroitement lié à l’autonomie dont on dispose » - trois exemples pour illustrer cette situation (Présence Mariste n°282, janvier 2015)

"La mission essentielle d’un fonctionnaire d’autorité, qu’il soit haut responsable de la police nationale où officier de gendarmerie est de faire respecter la loi, les décrets, les circulaires et les règlements.

Le vaste domaine de la sécurité oscille en permanence entre la liberté individuelle, prévue au sein d’une société démocratique, et l’indispensable action régulatrice ou répressive de l’Etat. Lorsque l’on a choisi de servir l’Etat, les sentiments personnels n’ont pas à entraver l’action des services. Tant que cette action vise à lutter contre la délinquance, aucun problème ne se pose.

Mais que se passe-t-il dans la conscience individuelle lorsque la sévérité de l’Etat de droit s’applique à une population, dont le seul problème est de connaître la misère, la pauvreté ou d’essayer de la fuir ?

Police nationale

A l’approche de ma retraite, l’expérience me démontre que vivre la bienveillance reste étroitement lié à l’autonomie dont on dispose, et qu’elle a du mal à apparaître lorsque le domaine touché présente un aspect prépondérant dans le cadre de la politique d’un gouvernement".

Notre interlocuteur nous donne trois exemples pour illustrer cette situation

  • Le 1er est en rapport avec les contentieux routiers et les violences légères. Dès que c’est possible, l’officier de police peut exercer sa bienveillance dans l’écoute des contrevenants, indépendamment de toute faiblesse dans l’application de la loi…
  • Le 2d est dans un domaine plus sensible, celui de l’application des décisions de justice en matière d’expulsion locatives, il est plus difficile d’agir.

"Le non-paiement des loyers conduit immanquablement au prononcé d’une décision de justice ordonnant l’expulsion locative. Le propriétaire saisit alors un huissier de justice qui sollicite le Préfet pour obtenir le concours de la police ou de la gendarmerie. La préfecture saisit le service compétent afin de connaître l’environnement social du locataire en difficulté.

Durant mon activité je me suis toujours attaché à rencontrer personnellement les locataires afin de déterminer si l’on se trouvait face à une situation de détresse ou si l’on avait à faire à des « profiteurs ». Le plus souvent en cas de présence d’enfants j’ai fortement déconseillé l’expulsion, faute de solution de relogement.
Cependant les préfectures ont parfois cédé aux pressions des propriétaires. Dans ce cas, la présence effective du Commissaire de police, le jour de l’expulsion permettait d’apporter un soutien juridique et moral aux familles.

Il est m’arrivé de me retirer en empêchant ainsi la réalisation de l’opération, afin d’informer le directeur de cabinet du Préfet d’éléments nouveaux. Bénéficiant d’une réputation sérieuse, j’ai pu obtenir la suspension du concours de la force publique, et le report, en attente du relogement. Il est évident que mon image au sein de la corporation des huissiers a beaucoup souffert de ce qu’ils ont toujours considéré comme des interventions non justifiés.

L’autonomie de l’intervenant dans ce type de dossier à caractère civil reste importante, et l’État ne sera pas perturbé en cas de non-exécution de la décision de justice.

Par contre, l’application d’une certaine bienveillance devient difficile, lorsqu’on touche un aspect dit prépondérant de la politique gouvernementale".

  • C’est le cas pour ce 3e exemple qui concerne les conflits de conscience que rencontre l’officier de police dans les cas de reconduction à la frontière des personnes en situation irrégulière… et des choix qui doivent être faits au risque de se faire mal noter par la hiérarchie.

« En conclusion de ces expériences, je pense qu’il y a toujours des hommes pour lesquels l’obéissance aux normes édictées est une raison d’être et dont la réalisation d’une carrière brillante compense les états d’âme. Mais il y aura toujours des individus pour s’opposer à des mesures injustes et discriminatoires quitte à prendre des risques pour leur propre carrière ».

Propos recueillis par Odile PALLANDRE
(Publié dans « Présence Mariste » n°282, janvier 2015)

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