Marcellin Champagnat, un marcheur

Pour se rendre plus proche de tous ceux qui avaient besoin de ses services

Frère Jean-Baptiste, biographe de Marcellin Champagnat, écrit : « Il aimait les voyages parce qu’ils lui fournissaient l’occasion de méditer et de prier plus qu’à l’ordinaire. » (Vie, éd. 1989, p. 315) Autant dire qu’il aimait marcher.

En effet, à son époque, la diligence était le seul moyen de transport public. Il fallait cinq jours pour aller de Lyon à Paris. Marcellin connut pourtant les débuts du chemin de fer. Il prit le train de St Chamond à Lyon, en 1836 et 1838, avant de poursuivre jusqu’à Paris, en diligence. Le succès du chemin de fer amena très vite le déclin des diligences car, même si leur vitesse était passée de 4 km/h à la fin du XVIIIe siècle à 15 km/h au milieu du XIXe, le train roulait déjà à 30 km/h. Sauf deux voyages à la capitale et quelques autres à Lyon, Marcellin s’est déplacé à pied.

PÈLERIN DE LA LOUVESC

En 1806, à 17 ans, il va avec sa mère, de Marlhes à La Louvesc, pour demander à saint Jean-François Régis de l’aider dans ses études en vue du sacerdoce (Vie, p. 13, note 17). Début 1822, le jeune fondateur se rend à nouveau sur la tombe du grand apôtre des Cévennes pour le supplier d’y voir clair dans la situation difficile où il se trouve (Vie, p. 117). Selon le témoignage de Mme Sériziat « le bon Monsieur Champagnat faisait assez souvent le pèlerinage à la Louvesc à pied, par les montagnes. » (Vie, Id. note 15) Le trajet aller/retour est d’environ 80 km.

SUR LES CHEMINS DES HAMEAUX DE LAVALLA

Mais c’est surtout dans l’accomplissement de son service comme vicaire de la paroisse de Lavalla que Marcellin a marché. « Dès qu’on le demandait pour un malade, Marcellin Champagnat quittait toute autre occupation pour aller à son secours ; si le malade était en danger, il se précipitait pour arriver assez tôt » (Vie, p. 57).

« Un jour, il partit à cinq heures du matin pour aller confesser les infirmes et les disposer à faire leurs Pâques. Après avoir confessé tous ceux qui se trouvaient dans le quartier, il employa le reste de la journée à aller chercher dans les hameaux les hommes qui ne s’étaient pas encore confessés. S’il ne les rencontrait pas dans leurs maisons, il allait dans les champs ou dans les bois » (Vie, p. 58). Dans les actes du « Procès apostolique » ouvert en vue de sa béatification, nous lisons qu’il fit, à pied, le pèlerinage à Notre-Dame de Fourvière (Lyon) avec un groupe de paroissiens.

VISITE DES ÉCOLES

En 1824, Marcellin, sur sa demande, est déchargé de son travail de vicaire pour se consacrer totalement à son jeune Institut. Avec et pour ses Frères, il construit l’Hermitage de Notre-Dame, de mai 1824 à juin 1825.

Après la Toussaint de 1825, le bon Père, visita les dix écoles où travaillaient ses Frères. « Il fit toutes ces visites à pied et par un temps assez mauvais. Le voyage de Charlieu surtout fut très pénible, à cause des grandes pluies qui avaient rendu les chemins impraticables. D’ailleurs, le Père Champagnat, qui était extrêmement dur pour lui-même, ne savait pas se ménager, et dans les voyages il ne prenait aucun soin de lui. » (Vie, p. 141) Le Frère Avit, annaliste de l’Institut, précise que ces visites furent effectuées en une cinquantaine de jours. Il est difficile de calculer la distance totale parcourue par le fondateur. En effet, à partir de l’Hermitage de Notre-Dame, certaines écoles sont relativement proches (Lavalla, Tarentaise), d’autres à une trentaine de kilomètres (Bourg-Argental, Saint-Sauveur-en-Rue, Chavanay, Boulieu, Vanosc, Saint Symphorien), certaines sont bien plus éloignées comme Ampuis et Charlieu, cette dernière à environ 100 km. Le biographe déclare : « Faut-il être étonné, après cela, qu’il ait usé si vite le fort tempérament que la nature lui avait donné, et qu’il soit mort à un âge si peu avancé. » (Id. p. 142)

Marcellin continuera à visiter ses Frères jusqu’en avril 1840, toujours à pied, sauf les derniers mois où il dut voyager à cheval, en raison de son épuisement.

MARCHEUR PAR DEVOIR

Le Frère Jean-Baptiste raconte : « Un mot, qui lui échappa dans une circonstance, nous donne une idée exacte de ses fatigues, de ses travaux et de tout ce qu’il a souffert pendant les huit années qu’il desservit, en qualité de vicaire, la paroisse de Lavalla. Passant plus tard avec un de ses intimes amis sur les montagnes de Pilat, et traversant une partie de la paroisse, il jeta un coup d’œil sur ces pays qu’il avait parcourus dans tous les sens, et s’arrêtant tout à coup, il s’écria : “Que de pas j’ai faits sur ces montagnes ! Que de chemises j’ai mouillées dans ces chemins ! Je crois que si toute l’eau que j’ai suée dans mes courses était réunie dans ce vallon, il y en aurait assez pour prendre un bain”. » (Vie, p. 59)

La marche n’était pas un sport pour Marcellin Champagnat mais bien un moyen de se rendre proche de tous ceux qui avait besoin de ses services. Peut-être aurait-il approuvé ce que Samivel écrit dans « Les Commandements du parc de la Vanoise » : “La marche nettoie la cervelle et la rend gaie”.

Mais lui-même avait un heureux caractère, toujours gai et d’humeur égale. « Dans un voyage qu’il faisait à pied avec un Frère, comme ce dernier paraissait triste et laissait même échapper quelques plaintes, le Père Champagnat, qui savait que ce Frère était d’une humeur chagrine, ne cessait de relever son courage et de l’égayer… Chantons un cantique à la sainte Vierge, cela nous aidera à supporter la soif et les autres incommodités du voyage ». (Vie, p. 275)

LE SENTIER CHAMPAGNAT

En 1989, à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Marcellin Champagnat, les responsables du Parc Naturel du Pilat, eurent l’heureuse initiative d’ouvrir le sentier N°10, appelé « Sentier Marcellin Champagnat », qui relie Le Rosey, hameau natal de Marcellin, dans la commune de Marlhes, jusqu’à Notre-Dame de l’Hermitage où il repose. Les jeunes pèlerins, et même les moins jeunes, Frères et laïcs, sont intéressés de parcourir la bonne trentaine de kilomètres du sentier. En effet, la connaissance d’un Fondateur passe aussi par la découverte des lieux où il a vécu et la marche est probablement l’une des meilleures façons de le découvrir.

Que saint Marcellin Champagnat nous accompagne sur nos routes humaines et nous partage sa foi et son courage !

Frère Alain DELORME
(paru dans Présence Mariste n°257, octobre 2008)

Dans la même rubrique…

Mots-clés

Articles liés

Revenir en haut