Une communauté en marche

La survivance d’un ancien pèlerinage marial

Les gens marchent seuls, mais aussi en groupe, en communauté. C’est l’expérience que nous raconte Jean Muller avec la communauté paroissiale de Sorbiers dans la Loire.

DE SORBIERS À VALFLEURY…

Le « clocher » de Sorbiers est désormais l’un des trois « relais » de la paroisse St Jean sur Onzon avec Le Grand Quartier et La Talaudière. Ces trois lieux de vie issus du monde de l’agriculture et de l’industrie du charbon sont situés sur la couronne nord-est de la ville de St Etienne.

Les pèlerins en route vers Valfleury

Sorbiers, dont nous allons plus volontiers parler, est une très ancienne paroisse née au 10e siècle. Vers la fin de ce premier millénaire, quelques Bénédictins venus de la Chaise-Dieu créent, dans un vallon à deux lieues de Sorbiers, un monastère qu’ils nomment « Valfleury » et jettent les bases d’un pèlerinage Marial. On y vénèrera une statuette de Marie et de Jésus enfant que l’on nommera « la Vierge au genêt d’or » en référence aux circonstances de sa découverte, telle que la tradition nous l’a rapportée.

Est-ce cette proximité avec ce lieu béni qui rend les paroissiens de Sorbiers (et maintenant de St Jean Sur Onzon) fidèles à la dévotion à Marie ? Sans doute ! Peut-être aussi les encouragements répétés de leurs curés successifs ou ce lointain engagement pris au 17e siècle avec les paroisses alentour toutes frappées durement par la peste. Le pèlerinage s’est poursuivi au long des siècles : long fleuve humain parfois ralenti aux moments douloureux de notre histoire ou au contraire réunissant des foules considérables lors des rassemblements de la fin du 19e siècle.

UN PÈLERINAGE SÉCULAIRE

À Sorbiers, le pèlerinage fortement inscrit dans une tradition familiale, s’est poursuivi pratiquement sans interruption tout le siècle passé et il continue aujourd’hui. Il a lieu habituellement le 1er mai. Mais les plus anciens se souviennent qu’à l’époque de leur jeunesse il se déroulait, le lendemain de la communion dite « solennelle ». Les actions de grâce se mêlaient alors aux prières Mariales.

TEMPS FORT DE PRIÈRE

La flèche du sanctuaire se détache dans le ciel

Le rituel a peu changé. Les paroissiens sont appelés à se retrouver à la messe commune célébrée, aujourd’hui, en milieu de matinée mais qui, autrefois, était plus matinale !
Certains encore, font la route à pied. On a abandonné la récitation du chapelet et la cohorte de pèlerins a perdu la belle ordonnance des processions de jadis, mais on prend le temps, au cours de plusieurs haltes, de réfléchir et de prier sur un thème choisi à l’avance. De plus, la marche est l’occasion de prendre des nouvelles des uns et des autres et de partager avec les autres marcheurs, venus parfois des paroisses voisines, sur la beauté des paysages et les évènements de l’actualité. Tout le monde se retrouve à la messe où chants et intentions de prière ont été préparés à l’avance. C’est un moment fort de prière commune où chacun se sent proche de ceux qui l’entourent, partageant la même histoire, la même ferveur, la même Foi.

INTERFACE ENTRE CIEL ET TERRE

Après la salutation finale du prêtre, l’église tarde à se vider. Les amis, les parents se saluent. On explique aux enfants et on s’approche, une prière au bout des lèvres, pour mieux voir celle qui trône au-dessus de l’Autel : petite statuette, merveille de l’art roman, représentant Marie et Jésus aux regards figés, aux traits un peu frustres mais vers qui se tournent, encore aujourd’hui, tant d’hommes et de femmes. Au passage, on a levé les yeux sur les nombreux ex-voto qui revêtent les murs, lu la plaque de marbre qui rappelle le vœu contracté par les paroisses l’an 1629. Et, parce que ce lieu semble pour chacun une « interface » entre le Ciel et les hommes, nombreux sont ceux qui confient une dernière prière en allumant un cierge.

TEMPS CONVIVIAL

Après la messe les paroissiens qui, autrefois, s’étaient levés tôt, avaient l’habitude de se retrouver dans les cafés et restaurants du bourg pour reprendre des forces. C’était une occasion supplémentaire de rencontre. Ces dernières années, la fermeture de ces lieux d’accueil oblige les volontaires à un rapide casse-croûte sur le parking du village.

Le chemin de croix monumental situé sous le village n’est plus utilisé pour des raisons qui tiennent autant à la sécurité qu’à l’évolution de la piété des pèlerins. Le pèlerin peu pressé lui préfère « le bois des pères » propice à une méditation solitaire.

PRIER AVEC MARIE

Chacun peut se recueillir devant la statue de la Vierge au genêt d’or

Le Rosaire, dont les stations escaladent les flancs de la colline avec sa « chaise de la vierge » et sa tour observatoire est moins fréquenté que dans le passé. Quelques-uns, cependant, viennent ici attentifs à une dévotion Mariale plus silencieuse mais qui n’en est pas moins sincère, d’autres, à moins que ce ne soient les-mêmes, viennent y mesurer leur souffle et découvrir une vue pleine de charme de Valfleury et de son clocher à la flèche impressionnante. C’est vers la fin de la matinée et à l’église que les paroissiens, qui le désirent, se retrouvent pour un temps de méditation du chapelet.

ALLER À LA SOURCE

Puis on pense au retour, la plupart des marcheurs ont trouvé place dans les voitures mais certains prolongent l’effort en revenant par les « coursières ».
Quelques-uns flânent encore dans les ruelles de ce petit bourg qui vit passer tant de pèlerins et rendent une petite visite à cette source qui fut regardée comme une source bénie. S’agit-il de la source de la rivière, la Dureyze, qui naît dans ce vallon ? Nos ancêtres lui vouaient-ils un culte païen avant que quelques moines venus de la Chaise-Dieu ne leur parlent de Jésus Christ et de Marie et que débute ainsi cette longue histoire dont les hommes à toutes les époques ont écrit quelques pages ?

QUEL AVENIR POUR CE PÉLÉ À NOTRE DAME DE VALFLEURY ?

Au début de ce 21e siècle il faut bien s’interroger et se demander quel est l’avenir du pèlerinage à N. D. de Valfleury. Certes le présent inciterait à l’optimisme puisque cette année encore, malgré la « concurrence » -si l’on peut dire- de la fête de l’Ascension, 300 pèlerins, dont 70 marcheurs, se sont retrouvés pour prier Marie. Saurons-nous transmettre ce flambeau, saurons-nous donner envie ?

Le pèlerinage à N. D. de Valfleury s’est conservé jusqu’à nos jours car il rythmait la vie sociale et religieuse. Il apparaissait comme un temps de rencontre de la paroisse. Aujourd’hui nos communautés se cherchent de nouvelles formes de rassemblement pour faire Église, le pèlerinage y trouvera t-il sa place ?

Jean MULLER
(paru dans Présence Mariste N° 257, octobre 2008)

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