Enracinés et fondés en Christ

« Enracinés et fondés en Christ, affermis dans la foi » Tel était le thème retenu pour les Journées Mondiales de la Jeunesse qui viennent de se tenir à Madrid, au mois d’août 2011. (Présence Mariste N° 270, Janvier 2012)

De Rome, où il est emprisonné, l’apôtre Paul écrit aux chrétiens de la ville de Colosses, une ville d’Asie mineure (la Turquie d’aujourd’hui) pour les encourager à rester fidèles dans leur foi au Christ Jésus : « Poursuivez votre route dans le Christ, Jésus le Seigneur, soyez enracinés et fondés en lui, affermis ainsi dans la foi. » (Col 2,7)
Soyez enracinés en Christ

« Enracinés et fondés en Christ, affermis dans la foi »

Tel était le thème retenu pour les Journées Mondiales de la Jeunesse qui viennent de se tenir à Madrid, au mois d’août 2011. Je n’étais pas aux JMJ et j’avoue n’avoir pas lu les commentaires, nombreux sans doute, sur ce thème. Il est vrai que la presse s’est plus intéressée à des anecdotes qu’aux discours du pape…
Mais, pour employer le langage à la mode, je me sens interpellé à mon tour par ces mots de l’apôtre comme ont pu l’être les chrétiens de Colosses et les jeunes participants aux JMJ. Je n’en retiendrai cependant que le premier.

Enracinés

Qu’est-ce à dire ? Ne peut s’enraciner que ce qui a été planté ou semé, cela va de soi. Il y a donc d’abord celui plante et celui qui sème. Le plant ne se plante pas lui-même et le grain ne se sème pas lui-même.
Le planteur, le semeur, c’est Dieu. En commentant ces mots de l’apôtre Paul, notre pape Benoît XVI fait observer que dans le texte original, en grec, le mot enracinés, de même que les deux autres mots, fondés, affermis, sont, du point de vue grammatical, des verbes au passif.« Cela signifie, dit le pape, que c’est le Christ lui-même qui a l’initiative d’enraciner, de fonder et d’affermir les croyants. »

Comme un arbre planté au bord des eaux

L’image de Dieu planteur est fréquente dans la Bible. Dès les premières pages de la Genèse, il nous est dit que « Le Seigneur Dieu a planté un jardin en Éden » (Gn 2,8). Le peuple d’Israël est comparé à une vigne que le Seigneur a plantée et dont il prend le plus grand soin : « Je les planterai et les multiplierai. » (Ez 37,26)

L’homme juste est planté dans la maison du Seigneur (Ps 91,14). « Pareil à un arbre planté au bord de l’eau, qui pousse ses racines vers le ruisseau, son feuillage est toujours vert, une année de sécheresse ne l’inquiète pas, il ne cesse de fructifier. » (Jr 17,8)

Le semeur sortit pour semer

Le Nouveau Testament préfère l’image du grain de blé. Et on pense, bien sûr, à la parabole du semeur qu’on lit dans les évangiles.
Rappelez-vous : le semeur jette son grain qui tombe sur le bord du chemin et les oiseaux le mangent ; dans les pierres, et alors ils ne produit pas, car il n’y a pas assez de terre et il se dessèche sous l’ardeur du soleil ; du grain est tombé dans les épines qui l’ont étouffé. Une partie au moins est tombée dans la bonne terre et elle a donné abondamment. Après avoir raconté cette histoire, Jésus la commente pour ses disciples : le grain, c’est la Parole de Dieu ; le sol qui la reçoit ce sont les auditeurs… Je note au passage que cette parabole est la toute première des nombreuses paraboles que racontera Jésus au cours de sa vie publique. C’est donc comme une recommandation pour être attentif à tout l’enseignement qui sera donné. « Qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! » conclut Jésus.

Séparons le bon grain de l’ivraie

On a trop l’habitude d’interpréter la parabole comme une exhortation morale. Et l’on s’interroge : comment est-ce que je reçois la parole de Jésus ? Comme un sol piétiné par les passants ? Comme un sol pierreux ?

Comme une bonne terre ? Sans doute, dans cet examen de conscience on peut se reconnaître comme l’un ou l’autre, selon les circonstances. Mais on oublie que le personnage principal, ce n’est pas nous, mais bien le semeur. C’est d’ailleurs le seul personnage de la parabole. Or, ce semeur, c’est Dieu qui répand le grain, c’est-à-dire sa Parole, largement, généreusement.
Peut-être les évangélistes se sont-ils rappelés ce dicton que cite saint Paul dans sa seconde lettre aux chrétiens de Corinthe : « Qui sème chichement, chichement aussi moissonnera et qui sème largement, largement aussi moissonnera. »
Ce que Dieu demande, c’est d’être de la bonne terre, qui produira beaucoup de fruit, en abondance. Quant à l’enracinement, c’est moins notre affaire que la sienne. On a aussi observé que, dans la parabole, on passe directement des semailles à la récolte, à la moisson. Or, la moisson est le symbole de la fin des temps. La parabole du semeur est suivie tout aussitôt, dans l’évangile de Matthieu, de celle de l’ivraie (Mt 13,24-43) avec son explication : « Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’homme ; le champ, c’est le monde ; la moisson, c’est la fin du monde. »

Dieu seul sème en nous sa Parole


En d’autres termes, le croyant qui accueille la Parole de Dieu œuvre pour la venue du Royaume de Dieu dès maintenant et à la fin des temps.

La parabole du semeur me semble avoir une parfaite illustration dans ce tableau de Vincent Van Gogh : Le Semeur. On y voit un semeur semant d’un geste large dans un champ à l’aspect peu travaillé. Des oiseaux suivent ses pas. Mais, à l’arrière-plan, la moisson a déjà levé et un soleil splendide inonde la scène de sa lumière. À sa manière, le peintre semble nous dire que l’enracinement se révèle dans la fructification.

Si le grain ne meurt !

C’est dans la mesure où il est bien enraciné que le grain porte du fruit. C’est encore dire que l’on n’est pas chrétien pour soi seul. Le corollaire à en déduire c’est que le grain doit aussi mourir pour porter du fruit. C’est bien ce que dit Jésus dans l’évangile de Jean : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui tombe en terre ne meurt pas, il reste seul ; si au contraire il meurt, il porte du fruit en abondance. » (Jn 12,24). Les jeunes qui ont participé aux JMJ étaient donc aussi invités à participer à la mission. Les jeunes… mais pas seulement.

Entre passé et avenir !

Passe encore de bâtir…

La fable de la Fontaine, Le vieillard et les trois jeunes hommes, me vient à l’esprit. Et vous excuserez une conclusion qui paraît bien profane. « Un octogénaire plantait. Passe encore de bâtir, mais planter à cet âge ! Disaient trois jouvenceaux, enfants du voisinage : Assurément, il radotait… »
L’enseignement de la fable n’a rien de religieux mais le moraliste ne rejoint-il pas, en quelque sorte, l’enseignement évangélique lorsqu’il fait dire à ce vieillard : « Mes arrière-neveux me devront cet ombrage : Eh bien ! Défendez-vous au sage de se donner des soins pour le plaisir d’autrui ? »


Bernard Faurie
(Paru dans Présence Mariste N° 270, Janvier 2012)

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