Marcellin Champagnat, homme de cœur, homme d’action

Marcellin était doté de cette riche personnalité. C’était un homme d’action, un homme de cœur et de compassion. (article de fr A. Balko, « Présence Mariste » n°219, avril 1999)

« Elevé au sacerdoce en 1816 je fus placé en qualité de vicaire dans une paroisse rurale. Ce que je vis de mes yeux dans cette nouvelle position, touchant l’éducation des jeunes gens, me rappela les difficultés que j’avais moi-même éprouvées à leur âge, faute d’instituteurs. »

DIEU EST PRESENT DANS L’HISTOIRE
A TRAVERS DES HOMMES

Jésus Ressuscité, avant de quitter ce monde, confie la réalisation du Royaume à ses disciples. Dieu continue à être présent et agissant dans l’histoire, mais à travers des hommes qu’il choisit et prépare à leur mission. Et c’est cela un charisme : la grâce nécessaire à la mission que Dieu confie à un homme dans son Eglise.

L’histoire sainte et l’histoire de l’Eglise sont bien illustrées par cette galerie imposante de personnalités puissantes qui sont les envoyés de Dieu dans différentes époques de l’histoire. Les fondateurs de familles religieuses y occupent une place privilégiée. Parmi eux, Marcellin Champagnat.

UN MILIEU FAMILIAL PRIVILEGIE

II naît, avec l’époque moderne, en 1789, à Marlhes, sur les hauts plateaux du Pilat, où un sentiment religieux profond s’allie naturellement à une nature majestueuse.

La famille qui l’abrite pourrait être prise pour un échantillon réduit du peuple français de ces temps de bouleversement et renouveau. Jean-Baptiste Champagnat, le père, est un homme entreprenant et cultivé, résolument ouvert au progrès à venir. Marie-Thérèse Chirat est la femme forte, mère très chrétienne d’une nombreuse famille. La tante paternelle, Louise, Religieiusede St-Joseph, assure au futur fondateur une initiation plus profonde à la vie spirituelle, tout en lui ouvrant des perspectives apostoliques au service d’une Eglise dans l’épreuve et la tourmente.

AU SEMINAIRE

Or, le jeune Marcellin, qui aime la vie à la campagne, et révèle déjà un grand sens pratique joint à beaucoup d’habileté manuelle, ne semble pas doué pour les études. En 1805, il suit quand même un recruteur ecclésiastique au petit séminaire de Verrières où ses débuts seront hésitants et difficiles. Mais sa grande volonté lui permettra de lever les obstacles qui le mèneront jusqu’à la prêtrise.

UNE VOCATION DE FONDATEUR

Par contre, cet adolescent possède déjà des richesses de cœur qui le rendent très réceptif à l’amitié. La compassion pour la souffrance des autres, et la bonté du cœur, qui vont le caractériser toute sa vie, orientent son attention vers ces jeunes des campagnes qui, comme lui-même, se trouvent démunis face à un avenir conditionné par l’instruction. Il perçoit l’appel muet de tant de jeunes paysans pour qui le nouvel avenir paraît bouché, faute de moyens. Il y a des écoles et des collèges dans les villes, mais les enfants des villages sont habituellement négligés.

C’est ainsi que le désir de l’action se forme en lui plus ou moins consciemment. Avec ses progrès dans la vie spirituelle, c’est la vocation d’un fondateur qui prend lentement forme dans son âme. Homme d’action remarquable, le jeune vicaire de La Valla se met à l’œuvre dès la sortie du séminaire. Rien ne l’arrête. Il recrute des jeunes, il achète une petite maison, et la nouvelle communauté est lancée en janvier 1817. Marcellin Champagnat fonde une œuvre essentiellement populaire, mais une compassion marquée oriente toujours son attention vers les pauvres, les enfants abandonnés, les orphelins.

« JE VOUDRAIS AVOIR LE BONHEUR D’ENSEIGNER »

L’époque moderne étant marquée par le développement des sciences et de la culture, l’école prend une importance centrale. C’est l’essor de l’instruction populaire. Le Père Champagnat, qui n’était pas un théoricien de l’éducation, laisse tomber de sa plume cette pensée remarquable sur l’apostolat de l’éducation chrétienne par l’école :
« Dites à vos enfants… que je les aime bien moi-même… que je voudrais avoir le bonheur d’enseigner, de consacrer de façon plus immédiate mes soins à former ces tendres enfants ».
(Lettre au Frère Barthélémy).

Cette réflexion, exprimée avec la spontanéité d’une lettre fraternelle, contient les éléments essentiels de l’éducation chrétienne. Il faut d’abord aimer les enfants. Ensuite, dans notre monde moderne, l’école permet de partager la vie des jeunes, et fournit l’occasion de ces contacts directs, sans intermédiaires, qui permettent de les former, d’orienter leur croissance.

Une simplicité fondamentale

Les éléments du style éducatif mariste ont leur source principale dans la personnalité du fondateur. L’âme de Marcellin est caractérisée par une simplicité fondamentale qui l’oriente vers les enfants et constitue un aspect important de sa vocation d’éducateur. Cette simplicité comporte transparence d’âme, facilité de contacts, cordialité, fraternité. Elle est précieuse dans l’éducation parce qu’elle permet l’influence réciproque et la communion des âmes.

UNE PERSONNALITE RICHE ET EQUILIBREE

Ainsi Marcellin, qui possédait déjà un physique vigoureux, était doté de cette riche personnalité qu’on attribue volontiers aux éducateurs nés. Intelligence pratique, homme d’action, homme de cœur et de compassion. Ce fondateur n’était pas un intellectuel, mais il était caractérisé par le dynamisme de la vie propre aux grands éducateurs.
Après tout l’éducation est un art, l’art de bien vivre et l’art de l’enseigner. Marcellin, sous des aspects parfois rugueux, a une personnalité dotée d’une fine sensibilité et capable de grands élans d’âme, en même temps que du calme indispensable pour la réflexion et le recueillement. Un des révélateurs de cette double capacité est l’humour, qui allie la vitalité de la jeunesse au contrôle nécessaire pour la faire éclater au bon moment. Le Père Champagnat s’en servait volontiers avec ses Frères.

« VOUS LE SAVEZ, MON DIEU »

Le contact facile avec les hommes, Marcellin l’avait avec Dieu. On trouve les traces de cette facilité de relations avec Dieu, sous forme de gribouillages dans les marges de ses manuscrits :
« Vous le savez, mon Dieu »,

répète-t-il souvent dans les moments de répit de son travail. Il se met ainsi sans cesse, avec ses problèmes du moment, sous le regard paternel de Dieu, et s’abandonne à sa Providence vigilante, dans une attitude de confiance filiale.

Conscient de sa petitesse, il va de l’avant, en s’appuyant sur l’amour indéfectible du Père et sur la protection maternelle de la « Bonne Mère ».
« Ayez pitié de votre enfant qui se jette entre vos bras, avec une grande confiance que vous ne l’abandonnerez pas », dit-il dans une prière à Marie.

UNE SPIRITUALITE MODERNE

Marcellin Champagnat unit ainsi, dans la vie quotidienne, l’humain et le spirituel, le travail et la prière, avec la simplicité et le réalisme qui caractérisent la spiritualité moderne. Ainsi va-t-il de l’avant sans angoisse et avec dynamisme, tout en évitant l’orgueil, parce qu’il ne s’appuie pas sur sa propre force mais sur l’amour du Père.

« Pourquoi nous inquiéter ? Faisons comme si nous étions sûrs d’un grand succès »,
écrit-il à un jeune Frère. Il s’inscrit ainsi dans le dynamisme moderne, tout en évoquant la source évangélique de son attitude spirituelle, l’abandon à la Providence.

Et nous voici placés au cœur de l’Evangile, et armés pour faire face à tous les bouleversements de notre temps, qui rappelle, sous bien des aspects la période charnière dans laquelle vivait ce fondateur. Avec l’aide de la Providence, il a réussi à concilier les apports du nouvel humanisme avec une nouvelle ferveur chrétienne, par l’instruction et l’éducation chrétienne des enfants du peuple.

Frère Alexandre BALKO, fms

(Publié dans « Présence Mariste » n°219, avril 1999)

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