A l’écoute de Dieu et des hommes
Marcellin aimait passionnément les enfants. Il répétait souvent :
« Je ne puis voir un enfant sans éprouver le désir de lui dire combien Dieu l’aime. »
Grand séminariste, il passait des heures à catéchiser les enfants du Rosey, son hameau natal. Il avait le don de captiver son jeune auditoire. Les adultes l’écoutaient aussi avec plaisir comme en témoignent les paroissiens de La Valla, son premier champ d’apostolat, en août 1816.
Marcellin connaissait la misère des écoles de campagne, tenues souvent par des maîtres sans formation et parfois sans morale. Il avait lui-même été choqué par la brutalité de l’instituteur de Marlhes, le premier jour de sa scolarité.
Dès le Grand Séminaire (1813-1816), Marcellin est convaincu de l’urgence de former des Frères pour catéchiser et instruire les enfants des campagnes.
« Il nous faut des Frères » répète-t-il à ses collègues de la naissante Société de Marie.
Evocation de la rencontre avec le jeune Jean-Baptiste Montagne.
Vicaire à La Valla, vaste paroisse située sur les pentes du massif du Pilat, peuplée de 2.500 habitants, dispersés en plus de cinquante hameaux, le jeune prêtre de vingt-sept ans ne va pas tarder à mettre en œuvre son projet de fondation.
Lundi 28 août 1816, appelé au hameau des “Palais”, auprès d’un moribond de dix-sept ans, Jean Baptiste Montagne. Il constate avec effroi la totale ignorance de ce jeune. C’est pour lui un signe et un appel à commencer. Ainsi pourra-t-il combler le profond désir de son cœur que le Frère Jean-Baptiste traduit ainsi :
« Il voulait à tout prix avoir les enfants. » (Vie, édition 1989, p. 532)
Dès le 2 janvier 1817, il accueille, dans une pauvre maison qu’il a lui-même réparée, ses deux premiers disciples. Il leur consacre tous ses temps libres à les former comme catéchistes. En effet, il veut que ses Frères soient avant tout des évangélisateurs.
A la suite de Jésus, le modèle unique
C’est la charité pastorale qui brûlait le cœur du jeune vicaire qui a fait de lui un fondateur. Ses disciples seront des religieux, consacrés à Jésus, afin d’être tout donnés aux enfants.
« Faire connaître et aimer Jésus Christ, voilà le but de l’Institut. » (Vie, p. 340)
Marcellin ne veut pas que ses Frères soient seulement catéchistes. Il désire
« tenir longtemps l’enfant à l’école » (Vie, p. 531)
pour l’éduquer et faire de lui
« un bon chrétien et un bon citoyen. »
Ses disciples seront donc aussi instituteurs, pour « être longtemps avec les enfants ». Le livre « La conduite des écoles » de saint Jean Baptiste de la Salle, fondateur des Frères des Ecoles Chrétiennes, inspire l’action pédagogique de Marcellin.
Etre longtemps avec les enfants.
Marcellin va adapter sa fondation aux réalités paysannes : ses Frères iront par deux ; leur salaire sera réduit d’un tiers (400 francs annuels au lieu de 600), et les familles qui en ont les moyens paieront un écolage. Le curé indiquera aux Frères les enfants à recevoir gratuitement.
Dès 1819, s’ouvre l’école de Marlhes. Son succès incite le maire d’une commune voisine, Saint-Sauveur-en-Rue, à demander des Frères. Bientôt, le maire de la petite ville de Bourg-Argental fait de même.
Eduquer, c’est aimer
Le Père Champagnat visite souvent ses Frères pour les encourager et se rendre compte de la marche des écoles. Il profite du mois d’octobre, avant la rentrée des classes qui avait lieu après la Toussaint, pour compléter leur formation. En effet, il tenait beaucoup à ce que les Frères soient des catéchistes-instituteurs capables.
Ayant constaté les défauts de la méthode alors en usage pour l’enseignement de la lecture, après réflexion et consultation de personnes compétentes, il compose, de concert avec ses principaux Frères, un petit livre intitulé « Principes de lecture » qui en rendait l’apprentissage plus facile. Ce modeste ouvrage devait connaître un franc succès. En 1916, paraissait la 42e édition.
L’éducation est avant tout l’œuvre du bon exemple.
Marcellin Champagnat innove aussi en introduisant le chant dans les écoles de campagne, non seulement pour satisfaire les curés de paroisse, mais aussi pour
« maintenir les enfants dans la joie et le contentement. » (Vie, p. 537)
Il demande à ses Frères de devenir des maîtres exemplaires car, affirme-t-il,
« l’éducation est avant tout l’œuvre du bon exemple. L’enfant s’instruit beaucoup plus par les yeux que par les oreilles. » (Vie, p. 550)
Et le Fondateur, de donner à ses disciples la règle d’or de l’éducation :
« Pour bien élever les enfants, il faut les aimer et les aimer tous également. » (Vie, p. 556)
Il leur demande aussi de prier pour leurs enfants car il a expérimenté que « la prière rend docile le cœur des élèves ».
Aimer comme Jésus
Le Fondateur tient beaucoup à ce que la discipline à l’école soit forte mais surtout paternelle. Les élèves doivent s’y sentir comme en famille. Il prohibe absolument les châtiments corporels et déclare :
« Un Frère dur, violent, ne convient pas à l’enseignement. Il n’est propre qu’à piquer le rocher ou à remuer la terre. » (Vie, p. 542)
Marcellin Champagnat est convaincu que
« l’éducation de la jeunesse n’est point un métier mais un ministère religieux et un véritable apostolat et que, pour s’acquitter dignement de cet emploi, qui est une participation de la mission de Jésus-Christ, il faut avoir l’esprit du divin Sauveur, et, comme lui, être prêt à donner son sang et sa vie pour les enfants. » (Vie, p. 558)
Aussi le Fondateur demande-t-il à ses Frères d’aimer ardemment Jésus-Christ, d’être tout à Lui.
Aimer comme Jésus
Le chemin choisi par Marcellin pour aller à Jésus, c’est Marie. Il voit en elle la Première Supérieure de sa famille religieuse. Il sait que Marie a tout fait et qu’il n’a été qu’un instrument entre ses mains. En donnant à ses Frères le nom de Marie, il est bien conscient que l’imitation de cette Bonne Mère donnera à ses disciples un cœur maternel envers leurs élèves.
Marcellin avait compris que la voie mariale est une route sûre pour révéler Jésus aux jeunes. C’est pourquoi il a choisi cette devise pour ses Frères :
« Tout à Jésus par Marie, tout à Marie pour Jésus. »
Marie, modèle d’éducation mariste.
L’Eglise, dans le décret d’approbation des Constitutions revues après le concile Vatican II, déclare avoir
« reconnu dans les textes l’appel des Frères à contempler Marie, parfaite disciple du Christ, et à la faire connaître et aimer comme chemin pour aller à Jésus. »
N’est-ce pas ce que saint Marcellin Champagnat avait voulu pour ses Frères et pour les jeunes qu’ils éduquent ?
Frère Alain DELORME
(Publié dans « Présence Mariste » n°249, octobre 2006)