Bourg-de-Péage : l’Ecole : un lieu d’éducation parmi d’autres

Vincent Minot est C.P.E. aux « Maristes » à Bourg de Péage (26). Sa fonction lui permet d’être en contact avec beaucoup d’élèves et d’avoir ainsi un point de vue réaliste sur ce qui fait leur vie des jeunes.

Vincent Minot est C.P.E. (Conseiller Principal d’Education) aux « Maristes » à Bourg de Péage (26). Sa fonction lui permet d’être en contact avec beaucoup d’élèves et d’avoir ainsi un point de vue réaliste sur ce qui fait leur vie des jeunes.

Ecole - famille, famille - école. On considère bien souvent aujourd’hui que les jeunes naviguent entre ces deux sphères. Quand il n’est pas à l’école, il est à la maison, quand il n’est pas à la maison, il est à l’école ou participe à une activité sportive, artistique ou culturelle encadrée. Ainsi, la famille est rassurée, l’enfant est sous contrôle d’un adulte bienveillant qui encadre l’activité et ce à tout moment de la journée. A tout moment de la journée… ? En est-on vraiment sûr… ?

Arrêtons-nous un instant sur une journée-type d’un collégien aujourd’hui (Cf. schéma ci-dessous).

LA JOURNEE D’UN COLLEGIEN

  • 06 h 45 Lever (Temps en famille)
  • 07 h 30 Départ au collège (Temps libre)
  • 08 h 00 Début des cours (Temps scolaire)
  • 12 h 00 Fin des cours et repas (Temps libre et/ou Temps famille)
  • 13 h30 Reprise des cours (Temps scolaire)
  • 16 h 30 Fin des cours et retour à la maison (Temps libre)
  • 18 h 30 Retour des parents (Temps en famille)

Comme on peut le voir, il existe un temps que nous appellerons « Temps Libre » où l’adolescent n’est ni sous contrôle parental, ni sous la responsabilité d’un établissement scolaire ou d’une association sportive ou culturelle. Cet espace-temps échappe donc à la vigilance d’un adulte et l’on peut alors se poser la question :
que fait l’enfant à cet instant ? N’est-il pas en danger ? Est-ce un moment important pour lui ? Que peut-il en retirer ?

Le temps libre : craintes et espérances

Lorsqu’on interroge des collégiens sur l’importance de ce moment « Temps Libre », les réponses sont unanimes : ils n’imaginent pas un instant ne pas pouvoir profiter de ces instants de liberté en compagnie de leurs amis. Ce sont des instants privilégiés nécessaires qui leur permettent de décompresser. Promenades dans les galeries marchandes des centres commerciaux, rencontres sportives informelles sur des terrains de jeux, trajet en car qui mène à l’école sont autant de moments incontournables aux yeux de nos jeunes :
« On parle de tout sauf de l’école ! Mais surtout on parle en complète liberté, sans le jugement de nos parents ou des profs ! »

« Temps libre », moment nécessaire pour décompresser.

Par contre, du côté des parents, l’enthousiasme est un peu plus mesuré et on peut le comprendre. En tant que parents, on peut aisément imaginer les aspects négatifs de ces temps libres. La triste actualité de ces enfants sans surveillance qui sont violentés, voire enlevés, amène d’ailleurs bien souvent à donner raison à ce type de réaction.
Il y a, dans ce cas, une certaine légitimité quant à la peur que ressentent les parents et ce besoin de sans cesse avoir leurs enfants sous contrôle :
« Il est vrai que nous craignons les mauvaises rencontres au coin d’une rue et qu’on accompagne souvent notre enfant où qu’il aille. Son espace vital est restreint mais c’est pour sa sécurité. »

Des adolescents en recherche identitaire

Toutefois, l’adolescence est, comme chacun sait, un moment de construction de l’identité du jeune et de sa personnalité. C’est aussi une période de profondes mutations (transformation du corps, de l’esprit et des sentiments) au cours de laquelle l’adolescent est en perpétuelle recherche identitaire passant par de nouvelles identifications. Ainsi le modèle parental est dénigré et il veut se démarquer des adultes en « vivant sa propre vie ».

Il adopte alors des attitudes nouvelles, voire extravagantes qui s’accompagnent d’une angoisse plus ou moins grande mais toujours présente, teintée souvent d’un fort sentiment d’insécurité.
Gardons bien à l’esprit que l’attitude de nos adolescents est très contradictoire car pour être eux-mêmes, ils ont besoin d’être comme les autres (en fait, ils se détachent simplement de la figure parentale) et de pouvoir s’identifier à un groupe qui leur permettent de s’éloigner de la protection du cercle familial.

De cette ambivalence, naissent des besoins spécifiques : besoin d’être vu, reconnu et aimé, besoin d’autonomie et de prise de responsabilité, besoin d’expériences (essais, erreurs et réussites) et de recherche de limites ; enfin besoin d’avoir des repères.

Les bénéfices du Temps libre

Aussi ce « Temps Libre » que l’on peut craindre, dénué de tout contrôle, ne peut-il pas être également un espace où le jeune est libre de ses choix ? Sans directives préétablies, il est amené à prendre ses propres décisions et donc à avoir un investissement personnel plus important. Les adolescents ont besoin de se faire leurs propres opinions sur ce qui les entoure. Ils sont ainsi amenés à se poser des questions qui les font se confronter à la réalité. De cette confrontation, ne naîtrait-il pas une véritable construction identitaire ?

De ces instants où l’adolescent est « livré à lui-même » émergent donc les points positifs tels que : diversité des rencontres qui participent à une ouverture vers les autres, obligation de se prendre en charge, de se responsabiliser ; être seul peut appeler à une certaine prudence qui rassurerait les parents.
L’adolescent voit que ces derniers lui font confiance en lui laissant quelques libertés ; ce qui est bénéfique dans la relation parents-enfant. Il peut également mettre en pratique des sujets de discussion abordés en famille ou à l’école…

Assurer un bon équilibre

Pour autant, peut-on en conclure que le « Temps Libre » est incontournable dans la construction de l’adolescent ? Ce raccourci peut sembler un peu rapide. Mais pour en bénéficier positivement, il paraît primordial qu’un échange ait lieu avec le jeune sur ce qu’il vit en dehors de la famille et de l’école. Le point de vue d’un adulte le rassure car, en effet, les parents ont toujours aidé leur enfant depuis qu’il est tout petit à faire face à toutes les situations.

Mais à l’adolescence, il peut sembler ne plus avoir besoin de leur aide. Contrairement à ce qu’il montre, il a plus que jamais besoin d’eux afin d’y voir plus clair dans sa vie. Ainsi les parents doivent passer du rôle de contrôleur et protecteur à celui de guide et confident, afin de l’aider à prendre ses propres décisions.

Et si ce « Temps libre » n’est pas suffisant en tant que tel à la construction identitaire de l’adolescent, il fait partie des expériences de sa vie qui doivent l’aider à être un Homme en devenir.

Vincent MINOT

(Publié dans « Présence Mariste » n°249, octobre 2006)

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