n° 279 D’hier à aujourd’hui

Marcellin Champagnat et ses racines à Marlhes

Suite de l’histoire de l’Institut des Frères Maristes présentée par F. André Lanfrey (Publié dans « Présence Mariste » n°279, avril 2014)

André Lanfrey

Nous poursuivons le parcours de ces 2 siècles d’histoire de l’Institut des Frères Maristes avec le F. André Lanfrey qui continue à déployer la fresque qui démarre au sud de Saint-Etienne.
Marcellin Champagnat naît le 20 mai 1789 dans la paroisse de Marlhes au moment où commencent à Versailles les États Généraux qui vont révolutionner la France. C’est un bourg de 2 700 habitants à la limite de ce qui va bientôt devenir le département de la Loire, à environ 1 000 m. d’altitude, sur une route qui mène de Saint-Etienne au Puy. Le bourg proprement dit est relativement modeste et la plus grande partie des habitants sont répartis dans soixante-quinze hameaux. À cette altitude, l’économie est fondée en bonne partie sur l’élevage et l’exploitation de la forêt. La rubanerie y est une activité féminine très répandue.

Marcellin CHAMPAGNAT et ses racines à MARLHES

C’est un pays très catholique, profondément réévangélisé au XVIIe siècle par Saint François-Régis, jésuite basé au Puy. Un curé et son vicaire assurent le service pastoral. Tout le monde est baptisé, fait sa première communion vers treize ans et reçoit la confirmation avant 25 ans.
Une confrérie de pénitents du Saint Sacrement rassemble une élite religieuse d’hommes et de femmes. Dans plusieurs hameaux exercent des béates, pieuses filles célibataires formées au Puy, entretenues par les habitants ; elles reçoivent chez elles les jeunes filles et les petits garçons pour leur apprendre en même temps catéchisme, prières, lecture et dentelle ou rubanerie.

Un père engagé politiquement

La famille Champagnat habite au hameau du Rozey non loin du bourg. Le père, Jean-Baptiste, y est propriétaire d’un petit domaine mais exerce en sus des activités d’exploitant forestier, de marchand et même de meunier. C’est un homme assez instruit pour son milieu : il écrit très bien, ce qui lui permettra d’exercer des fonctions communales importantes : trésorier de la confrérie des pénitents, secrétaire de mairie, colonel de la garde nationale et même chef de l’administration municipale de Marlhes dans les dernières années de la Révolution. Il semble avoir accueilli la Révolution avec enthousiasme et lui avoir donné suffisamment de gages pour qu’il soit considéré comme un jacobin. Son épouse Marie Chirat et lui ont eu 10 enfants dont six parviendront à l’âge adulte. Marcellin est le neuvième.

Le logo mariste traditionnel

Comme la plupart des enfants, Marcellin Champagnat reçoit en famille, de sa tante ancienne religieuse réfugiée chez son frère, et de sa mère, l’éducation chrétienne et le début de l’alphabétisation. Pour se préparer à la première communion il fréquente, de la Toussaint à Pâques, l’école du bourg dont le maître, Barthélemy Moine, enseigne ensemble catéchisme, lecture et certainement l’écriture pour les plus avancés. Mais, sa première communion faite, Marcellin refuse de continuer à s’instruire, rebuté par une méthode individuelle peu efficace et brutale. Durant un an ou deux il envisage de devenir paysan et reçoit de son père la formation aux multiples activités que les paysans d’alors sont capables de pratiquer.

Un appel dérangeant

Son destin va être bouleversé par l’action du clergé qui, après le concordat de 1801, a entrepris de reconstituer ses cadres en dirigeant des petits séminaires. Un prêtre ayant proposé à la famille qu’un des ses enfants entre au petit séminaire de Verrières moyennant une pension modique, l’entrée du jeune homme est programmée pour la Toussaint 1805. Comme il faut posséder une instruction élémentaire et un peu de latin pour y entrer, M. Champagnat passe un an chez son beau-frère qui tient à Bourg-Argental un « petit collège » de niveau médiocre. Les résultats ne sont pas brillants mais en 1805 le jeune homme arrive au petit séminaire de Verrières où il fera ses études secondaires jusqu’en 1813.

Quand il arrive dans cet établissement, le niveau des études est encore faible et l’esprit des séminaristes est davantage celui de collégiens que de séminaristes. Une « bande joyeuse » fréquente volontiers les cabarets du bourg et se révèle peu disposée à la discipline. Mais durant son séjour, la situation s’améliore notablement et le jeune homme, qui semble avoir eu d’abord une idée assez vague de sa vocation ecclésiastique, se révèle suffisamment fiable pour qu’en 1808, l’archevêque de Lyon le compte parmi les étudiants ecclésiastiques dispensés du service militaire.

Gravure de la maison de la famille Champagnat

De 1813 à 1816 c’est le temps du grand séminaire Saint Irénée à Lyon, place Croix-Paquet, pour les trois années de théologie. Comme ces années sont celles de la fin de l’Empire et du début de la Restauration, l’atmosphère est assez agitée, les séminaristes, dégoûtés du despotisme impérial, évoluant vers le royalisme.

Un projet naissant

Napoléon avait rétabli l’Eglise de France par le concordat de 1801 mais s’était bien gardé de rétablir les anciens ordres masculins dans lesquels il voyait des résurgences de l’ordre des jésuites. Mais les interdictions impériales n’avaient pas empêché des groupes de séminaristes de nourrir des projets de rétablissement de nouveaux ordres religieux inspirés de la Compagnie de Jésus.

Le moulin du Rosey à Marlhes

Parmi ces groupes un peu exaltés, il y a les « Maristes », une douzaine de jeunes gens décidés à créer une « Société de Marie » destinée à remplacer la « Société de Jésus » fondée au XVIe siècle. Sous l’inspiration d’un séminariste venu du Puy, Jean-Claude Courveille, ces jeunes gens, dont fait partie M. Champagnat, élaborent une charte de fondation prévoyant une mission universelle répartie en trois branches : prêtres, religieuses, laïcs. Mais Marcellin Champagnat réclame une quatrième branche : pour lui il faut des frères pour accompagner les missionnaires et pour éduquer les enfants des campagnes.

Il a certainement alors une idée assez vague de ce que seront concrètement ces Frères mais sa conviction est forte : il faut pour les campagnes des hommes capables d’instruire convenablement les petits garçons, comme les Frères des Écoles Chrétiennes le faisaient dans les villes dès le XVIIIe siècle.

Comme ses compagnons se désintéressent de cette activité, il se considère comme chargé d’établir cette branche. Et, ordonné en juillet 1816, nommé vicaire à Lavalla, un village situé sur les flancs du Mont Pilat, en août 1816, il ne perd pas de temps. En octobre il doit préparer à la mort un jeune homme d’un hameau éloigné, très ignorant de sa religion, et cet événement est pour lui un signe. Il invite un domestique, ancien soldat illettré, et un adolescent déjà alphabétisé d’être ses premiers disciples. Et le 2 janvier 1817, ces deux jeunes gens s’installent au bourg de Lavalla pour y recevoir du vicaire une formation leur permettant de devenir ses auxiliaires paroissiaux comme catéchistes tout en assurant diverses tâches caritatives. Les Frères Maristes sont nés.

F. André LANFREY
(Publié dans « Présence Mariste » n°279, avril 2014)

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