Retour en Algérie…

Les premiers pas de la nouvelle communauté : l’apprentissage de la langue, l’inculturation, la mission, le témoignage au sein d’un milieu de jeunes étudiants… (Présence Mariste N° 272 Juillet 2012)

Après l’assassinat de F. Henri Vergès le 8 mai 1994, la dernière communauté d’Algérie a été fermée. Puis ont suivi les années de restructuration des Provinces d’Europe. La création de la province de l’Hermitage (née en juillet 2003) se prépare avec la France et la Catalogne.

Et dès les années 2000, parmi les orientations nouvelles se dessine le retour en Algérie en lien avec le Conseil général. Au printemps 2002, FF. Maurice Goutagny et Alex Gomez participent à la rencontre des supérieurs majeurs d’Algérie avec les Évêques de l’Église catholique locale, occasion d’évoquer les conditions d’une refondation mariste.

En 2002, lors d’une rencontre des Frères de la nouvelle Province Hermitage, à Francheville, a lieu l’envoi officiel des trois Frères de la communauté : Arturo Chavez, Alex Gomez, Xéma Rius : « signe prophétique de la vie qui nous habite et qu’il faut porter aux autres au cœur de notre mission. »

Une année pour regarder

Le 8 septembre 2002, il est 10 heures du soir, Arturo, Alex et moi, arrivons à l’aéroport d’Alger venant de Barcelone. L’aéroport est vide et sombre. Le Père Gilles Nicolas, directeur du centre des Glycines, nous attend. C’est là que nous allons séjourner un an pour apprendre l’arabe et découvrir la réalité de l’Église en Algérie. Nous sommes trois Frères âgés, respectivement, de 75, 33 et 55 ans, trois personnalités bien différentes mais avec un objectif clair : fonder une communauté mariste et discerner où et comment servir les jeunes.

Les trois frères refondateurs : Arturo, Alex et Xéma

Tous les trois de langue espagnole, nous avons décidé de ne parler que le français entre nous et quand nous le pourrons, l’algérien. Étude de l’arabe d’une manière intensive, pendant une année ; prière les plus communes en arabe. Visites des diverses maisons et œuvres du diocèse d’Alger. Nous avons voyagé pour connaître la réalité des deux autres diocèses du nord, Constantine et Oran. Après un temps de discernement, nous avons choisi de nous installer à Mostaganem, ville de la côte, à 80 km d’Oran, dans une maison appartenant aux Sœurs du Bon Secours. Cette année-là, 2003, il y avait une dizaine d’étudiants subsahariens mais aucune communauté pour les accueillir et les accompagner.

Une année pour décider

Nous avons vécu un an à Oran où, en plus de nous sentir accompagnés par l’Église locale, nous avons pu apprécier la façon de vivre et d’agir d’une communauté chrétienne qui, de manière simple et fraternelle, se rendait présente en créant et en maintenant des espaces pour la rencontre avec les Algériens. Au cours de cette année, nous avons préparé un appartement, où pourrait résider la famille qui avait gardé la maison des Sœurs, en réalisant les aménagements nécessaires pour le rendre habitable. Le 10 juin 2004, nous inaugurions officiellement la maison.

La bibliothèque : lieu d’étude et de rencontre avec les étudiants

Œuvrer à Mostaganem

Nous avons fait nos premiers pas avec l’aide de cette famille, notamment pour les contacts avec le voisinage. Nous nous sommes sentis totalement acceptés en raison surtout du bon souvenir que ces gens avaient gardé des religieuses et du prêtre qui avaient vécu dans la maison. J’ai pu commencer à collaborer avec le Lycée Cervantès. Alex enseignait l’espagnol et Arturo l’informatique dans la maison et cela nous donnait l’occasion d’entrer en relation avec les jeunes Algériens. L’accueil des étudiants chrétiens subsahariens prenait le plus clair de notre temps. Tout cela, en étroite collaboration avec notre évêque, Mgr Alphonse Georger.

La première année fut employée à observer la réalité et à bâtir notre projet de mission en fonction d’un avenir de 5 ans environ. Période difficile, vécue avec intensité et enthousiasme, où DISCERNEMENT et PATIENCE étaient les mots et attitudes qui nous servaient pour aller de l’avant. Nous avons adapté peu à peu le rythme de notre vie communautaire à la réalité du pays, fixant nos célébrations et nos horaires en tenant compte de la vie des étudiants subsahariens. Nous avons pris conscience d’être les seuls chrétiens dans un pays musulman.

La salle d’informatique de Mostaganem : autre service apprécié de tous

Témoigner du Royaume par notre vie

Prise de conscience de l’importance du témoignage de la prière communautaire et personnelle ; de la grande capacité d’accueil des Algériens et de la facilité avec laquelle ils parlent de Dieu ; du fait aussi que c’est le Seigneur qui fait pousser les semences du Royaume et que nous sommes des serviteurs inutiles qui n’accomplissons que ce que nous devons faire ; de la nécessité enfin d’avoir un grand esprit de foi et de dépasser le désir de prêcher la Parole par le témoignage d’une vie sereine et pleine, qui rend possible l’implantation du Royaume à partir d’une perspective qui va au-delà de l’action.

Dans notre vie communautaire, nous avons fait le choix de la simplicité : faire nous-mêmes la peinture, la cuisine et assurer la propreté de la maison, chacun selon ses possibilités et ses habitudes. Il n’est pas facile d’arriver à harmoniser la manière de faire et de vivre, les cultures et les âges. Mais les difficultés ont été dépassées parce que, tous les trois, nous savions clairement où nous voulions aller malgré, parfois, des différences dans la manière d’y arriver. Le discernement permanent, le fait d’être à l’écoute l’un de l’autre et de l’Esprit, nous a aidés à trouver des solutions prises et acceptées par tous.

Célébration à la chapelle de la communauté de Mostaganem

Dix ans ont passé depuis notre arrivée en Algérie pour refonder l’œuvre mariste et suivre les pas du F. Henri Vergès. En 2007, à Oran, fut fondée une autre communauté avec 3 frères « Ad Gentes ». Notre présence est acceptée et appréciée, aussi bien par l’Église que par les Algériens et les étudiants chrétiens subsahariens.

La mort prématurée de notre cher F. Alex et le décès inattendu du F. Arturo ont ralenti quelques-uns des projets prévus. Mais nous continuons à penser que notre présence est importante. Accueil, disponibilité, service et accompagnement des jeunes à partir de la fraternité sont un témoignage qui n’a pas besoin de mots pour promouvoir le dialogue et l’acceptation des différences dans un monde où les extrémismes, de droite aussi bien que de gauche, veulent nous faire croire que la violence, avec le rejet de celui qui n’est pas mon égal, est l’unique solution pour nos sociétés.


F. Xéma RIUS
(Publié dans Présence Mariste N° 272, juillet 2012)

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