Le projet des casas Familias y est né en 1999, à l’initiative de 4 professeurs du Colegio Marista América. En effet, ils avaient constaté que des enfants vivaient dans les prisons avec leurs parents. Une réflexion a été menée avec les Frères pour concrétiser leur mission auprès des enfants les plus pauvres, enfants en « situations à risques » comme la drogue, la prostitution, l’abandon, la maltraitance. Par la suite, ont été mises en place cinq MAISONS. Chacune accueille 9 enfants de 5 à 16 ans sous la responsabilité d’une éducatrice.
Pourquoi me suis-je retrouvée au milieu de ces enfants ?
C’est en lisant un article sur ce projet que je fis un jour un rêve, celui de partir à Quevedo ; et ce rêve est devenu réalité. Il m’a permis ainsi de répondre à l’un des thèmes de l’Assemblée de Mendes [1] à savoir, m’impliquer aux côtés des pauvres et des exclus.
Le 24 juillet 2008, je quittai donc la France pour Quevedo afin de travailler comme volontaire dans cette œuvre mariste.
Je vous invite à me suivre dans la Casa del Hermano Patricio où j’ai vécu pendant un peu plus de deux mois avec 8 enfants et leur éducatrice, Rosita.
Déroulement d’un jour ordinaire
La journée commence à 5 heures du matin ; chacun a la responsabilité du ménage des chambres et des communs. Puis c’est l’heure de la toilette, du petit déjeuner, du repassage et à 6 h 45, en route pour l’école, la « Escuela América Marista » qui se trouve en ville.
Au retour, à 13 h 30, pas de temps morts : le repas (soupe et riz) suivi de la lessive personnelle, du repassage et d’un temps très important pour les devoirs jusqu’à 17 heures.
Ensuite, les jeux sont les bienvenus : foot, jeux d’intérieur, jardinage, broderie… Après le dîner (riz), on lit, on parle, on rit.
C’est le profil quotidien des enfants. Les jours de vacances, ils restent toute la journée dans les « Maisons » et c’est le moment de développer des activités manuelles qui sont une véritable éducation à la patience.
Cette effervescence, le premier matin, me donna un peu le tournis ; mais au fur et à mesure, je constatais un sens de la responsabilité assez développé.
Pour eux, en effet, c’est une dimension très importante. Il faut leur faire comprendre que lorsqu’ils sortiront des « Maisons », ils ne devront compter que sur eux mêmes pour conduire leur vie. Étant donné la situation d’extrême précarité et ignorance de leur famille, ils ne pourront pas s’appuyer sur elle. Aller à l’école est donc primordial mais savoir tenir une maison et savoir cuisiner le sont tout autant.
Des blessés de la vie
Derrière le visage rieur de ces enfants se cache une histoire personnelle dramatique aussi. Il faut créer dans chaque « Maison » une ambiance familiale où ils se sentent aimés, accueillis et en confiance, sans démagogie, afin qu’ils puissent atteindre un équilibre physique et psychologique. Je me suis rendue compte qu’ils restaient très fragiles, que la violence pouvait ressurgir à tout moment ; aussi faut-il toujours être avec eux. Le Frère responsable me disait que l’essentiel est de « convivir » c’est-à- dire « être avec ». J’ai appris à avoir une attitude ferme mais empreinte de tendresse dont ils sont en quête à tout instant.
J’ai eu aussi l’occasion de rendre visite à une maman en prison et aussi à des familles, familles qu’il faut aussi accompagner. J’ai vécu là un véritable choc : la prise de conscience de l’extrême pauvreté dans laquelle évoluent ces jeunes lorsqu’ils retournent chez eux chaque fin de semaine.
Une éducation qui porte des fruits
Un travail admirable est réalisé par les éducatrices et je peux dire, pour l’avoir vécu un peu plus de deux mois, que c’est un don total de soi, un travail de patience, d’amour et d’espérance. Il faut espérer en ces enfants qui reçoivent beaucoup. Ils essaient de vivre les valeurs humaines et chrétiennes qui leur sont données. Ils sont respectueux de l’adulte qui les accompagne. J’ai souvent pensé à nos jeunes lorsque j’observais Guadalupe, Maholy, Eliana, Roman, Luis Daniel, Joel, Sebastian et José manger jusqu’au dernier grain de riz et lorsque je les entendais à la fin de chaque repas nous dire merci pour la nourriture que nous leur avions servie.
Je ne suis pas près d’oublier ces deux mois passés avec ces enfants et la séparation fut difficile. Mon esprit et mon cœur sont encore là-bas.
Avec un certain recul maintenant, je peux dire que cette expérience m’a conduite au cœur de ma vocation mariste et surtout que là-bas les petits « Montagne » [2] et les Champagnat sont nombreux.
Annie GIRKA
(Bellerive sur Allier – 03)
(paru dans Présence Mariste N° 258, janvier 2009)