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Dieu s’intéresse-t-il à la politique ?

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Les prophètes fulminent contre la corruption généralisée, l’enrichissement des nantis, le mépris des pauvres, de tous les exclus de la société. Jésus s’inscrit dans la ligne des prophètes de l’Ancien Testament. Il n’est pas un révolutionnaire qui voudrait changer le système politique de son temps. (Présence Mariste n°291, avril 2017)

Bernard Faurie
Mais qu’est-ce que la politique ?

Au sens large et étymologique, la politique c’est ce qui concerne la vie en société. Or cette vie en société s’organise, à l’origine, dans les villes. C’est bien ce que révèle l’étymologie du mot “politique” qui vient du mot grec “polis”, ville.

L’Ancien Testament parle-t-il de politique ?

On comprend donc que la politique n’intervient chez le peuple hébreu qu’à partir du moment où celui-ci se sédentarise dans les villes après de longs siècles de nomadisme dans le désert. De politique, il n’est pas question dans les livres du Pentateuque qui racontent les péripéties de l’errance au désert.

Après la période de flou politique dont témoignent les livres de Josué et des Juges, le peuple ressent la nécessité d’une organisation plus stable, il demande un roi. Mais cela n’est pas sans risque, à voir ce qui se passe dans les royautés environnantes. Elle est très curieuse cette page du premier livre de Samuel où, par la voix de son prophète Samuel, Dieu met en garde contre les inconvénients d’une royauté. Mais le peuple refuse d’écouter le prophète et finalement Dieu cède à la revendication du peuple : « Dieu dit à Samuel : Satisfais à leur demande et intronise-leur un roi ». Comme quoi ce Dieu est un Dieu démocrate !

Entrée de Jésus à Jérusalem
Exulte de toutes tes forces, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici ton roi qui vient à toi : il est juste et victorieux, pauvre et monté sur un âne, un ânon, le petit d’une ânesse. (Za 9, 9)

Avec le premier roi, Saül, les choses commencent plutôt mal. Cela s’arrange avec son successeur David, un fin politique celui-ci. Son fils et successeur Salomon est moins guerrier, plus administrateur. Et il est le constructeur du Temple. Mais avec lui commence le déclin du royaume unifié qui, à sa mort, se déchire en deux. Le schisme est à la fois politique et religieux. Il y aura un royaume du nord, royaume d’Israël, et un royaume du sud, royaume de Juda. L’un et l’autre de ces royaumes disparaissent tragiquement, le premier sous les coups des Assyriens en 721, le second sous les coups des Babyloniens en 587. Mais enfin que fait Dieu dans tout cela ?

Je suis tenté de dire… Il laisse faire. Le système politique mis en place, la royauté, le laisse indifférent. Ce qui l’intéresse, c’est l’homme. Or, si ces royaumes chutent misérablement c’est qu’on a oublié l’homme, dans sa dignité d’homme. Les prophètes fulminent contre la corruption généralisée, l’enrichissement des nantis, le mépris des pauvres, de tous les exclus de la société. Le prophète Amos est particulièrement virulent :
« Ils vendent le juste à prix d’argent et le pauvre pour une paire de sandales ; ils écrasent la tête des petites gens et font dévier la route des humbles, le fils et le père vont à la même fille pour profaner mon saint nom ».

Ce faisant on s’est détourné de Dieu. Le châtiment est à la mesure.

Les évangiles ont-ils aussi quelque chose à dire en politique ?

Jésus s’inscrit dans la ligne des prophètes de l’Ancien Testament. Il n’est pas un révolutionnaire qui voudrait changer le système politique de son temps. Il n’a jamais dit vouloir “bouter” les Romains hors de Palestine ! Malheureusement, c’est bien ce que ses adversaires, et même ses amis, ont cru comprendre. Jésus parle très souvent de la venue du “Règne de Dieu”. Pour nous le sens en est clair. Nous savons bien que le royaume de Dieu n’est pas de ce monde. Mais pour ceux qui l’écoutent et le suivent, c’est beaucoup moins évident, dans le contexte politique du temps. Même ses disciples attendent la restauration du royaume d’Israël. Le plus déçu, Judas, le trahit. Mais les autres ne font guère mieux : ils l’abandonnent.

Quant à ses adversaires, cela ne fait aucun doute. Cet homme que suivent les foules, qui fait une entrée triomphale dans Jérusalem, c’est un danger public, qui met en péril tout le peuple. Les Romains vont réagir, et violemment, à leur habitude, contre ce fanatique, qui sème la perturbation. Voudrait-il se faire roi ? C‘est bien ce que pensent ceux de la classe dirigeante qui craignent pour leur poste. Les Romains s’en gaussent : « Voici votre roi, leur dit Pilate. Crucifierai-je votre roi ? » Et Pilate pousse le cynisme jusqu’à faire inscrire sur la croix le motif de la condamnation : “Jésus le Nazaréen, le roi des Juifs”.

La trahison de Judas

Qu’on ait pris la menace au sérieux ou pas, il y a maldonne. C’est quoi le royaume de Dieu ? La restauration d’une liberté politique ? Non. C’est la restauration de l’homme dans sa liberté et dans toute sa noblesse de fils de Dieu. Et c’est bien ce que Jésus s’est évertué à faire comprendre, et d’abord à ses proches disciples qu’il qualifie d’hommes sans intelligence. Ils n’ont pas compris le discours des béatitudes :
« Heureux les pauvres… les doux… les affligés… ceux qui ont faim… les miséricordieux… les cœurs purs… les artisans de paix… ».

La voilà la politique divine. Mais pas seulement en paroles. Jésus les accompagne de la pratique, guérissant les aveugles et les lépreux, consolant la veuve de Naïm, et ses amis Marthe et Marie de Béthanie, accueillant les publicains et les pécheurs, et la femme adultère, et la Samaritaine, nourrissant les foules, donnant en exemple un ennemi juré, pour les Juifs,… un Samaritain. Mais si les disciples n’ont pas compris, enfin pas compris tout de suite (ils réaliseront plus tard, après la résurrection) pouvait-on s’attendre à mieux parmi ses contemporains ?

Mais dira-t-on, ces valeurs qu’on dit parfois chrétiennes, sont tout bonnement des valeurs humaines. Le christianisme n’en a pas l’exclusivité. Où est donc la différence ? C’est que pour le chrétien ces valeurs ne prennent complètement sens que dans leur rapport à Jésus. Un exemple, puisqu’on parle politique. En rejetant la tentation du pouvoir le chrétien se souvient de la troisième tentation de Jésus au désert, dans l’évangile selon saint Matthieu : 
« Le diable l’emmène sur une très haute montagne, lui montre tous les royaumes du monde avec leur gloire et lui dit : “Tout cela je te le donnerai si tu tombes à mes pieds et m’adores”. Alors Jésus lui dit : « Retire-toi, Satan ! Car il est écrit : C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, c’est à lui seul que tu rendras un culte ».

Bernard FAURIE
(Publié dans « Présence Mariste » n°291, avril 2017)

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