De trans-mission en trans-mission

« Comme le Père m’a envoyé, à mon tour, je vous envoie ». Le Père veut que tous les hommes soient sauvés

« Vous serez mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8)

Cela paraît une évidence : la mission consiste à transmettre. Reste à savoir : qui transmet, qu’est-ce qui est transmis, qui reçoit, quel est l’objet de la transmission, et enfin à qui l’on transmet. À relire les évangiles, on voit combien la mission est au centre de l’enseignement de Jésus, particulièrement l’évangile de Jean qui utilise une bonne cinquantaine de fois le verbe « envoyer » à propos de Jésus. Jésus est « l’Envoyé de Dieu ». Toute la chaîne de la transmission s’y trouve développée : le Père envoie le Fils, le Père et le Fils envoient l’Esprit ; le Fils et l’Esprit envoient les disciples. Et cela se fait en plusieurs étapes. Il nous est dit : quel est son contenu ; à qui il est confié ; à qui faut-il le transmettre ?

Jésus, l’envoyé du Père, enseigne ses disciples

La chaîne de transmission

Jésus lui-même souligne que c’est le Père qui l’envoie. Dans une confrontation avec certains qui prétendent avoir Dieu pour père mais refusent de le reconnaître, lui Jésus, il leur dit : « Si Dieu était votre père, vous m’auriez aimé, car c’est de Dieu que je suis sorti et que je viens. Je ne suis pas venu de mon propre chef ; c’est Lui qui m’a envoyé. » (Jn 8, 42). Et le Père est son premier témoin : son témoignage « ce sont les œuvres que le Père m’a donné à accomplir ; je les fais et ce sont elles qui portent à mon sujet témoignage que le Père m’a envoyé. Le Père qui m’a envoyé a lui-même porté témoignage à mon sujet. » (Jn 5, 36-37).

Le Père veut que tous les hommes soient sauvés

Il faut dire aussi que si Jésus se présente comme l’envoyé du Père, d’autres, parmi les hommes, en ont témoigné. « Il y eut un homme, envoyé de Dieu ; son nom était Jean » (Jn1, 6). C’est Jean le baptiste qui dira : « Moi, je ne suis pas le Christ, mais je suis celui qui a été envoyé devant lui. » (Jn 3, 28). Il est « envoyé de Dieu, envoyé baptiser dans l’eau en vue de sa manifestation à Israël. » (Jn 1, 31). Ou encore la Samaritaine « Seigneur, je vois que tu es un prophète » (Jn 4, 19). Et bien sûr, ses disciples « Ceux-ci ont reconnu que tu m’as envoyé. » (Jn 17, 8).

Mais non seulement. Lorsque l’aveugle de naissance demande à Jésus de le guérir, celui-ci l’envoie se laver à la piscine de Siloé. Or « Siloé » signifie « Envoyé ». C’est assez dire que, dans cet envoi, Jésus authentifie en quelque sorte sa mission. Il est lui-même l’« Envoyé » qui donne la lumière. (Jn 9).

Jésus, le Fils, ne sera pas pour toujours présent, physiquement, à ses disciples. Mais il les rassure. Conjointement avec le Père, Il leur enverra l’Esprit Saint. « Maintenant je vais à Celui qui m’a envoyé… c’est votre avantage que je m’en aille ; en effet, si je ne pars pas, l’Esprit saint ne viendra pas à vous ; si, au contraire, je pars, je vous l’enverrai. » (Jn 16, 7) L’Esprit Saint sera, effectivement, le lien entre Jésus et ses disciples : « Il me glorifiera car il recevra de ce qui est à moi et il vous le communiquera. Tout ce que possède mon Père est à moi ; c’est pourquoi j’ai dit qu’il vous communiquera ce qu’il reçoit de moi. » (Jn 16, 14-15).

Les évêques, successeurs des apôtres (cérémonie de profession perpétuelle à Madagascar

Les disciples sont les héritiers du message évangélique. « Comme tu m’as envoyé dans le monde, je les envoie dans le monde » (Jn 17, 18). Et lors de sa première apparition à ses disciples, Jésus ressuscité confirme sa promesse et l’envoi en mission : « Comme le Père m’a envoyé, à mon tour, je vous envoie. » (Jn 20, 21).

L’objet de la transmission

D’emblée, Jésus nous informe sur le contenu de sa mission. Il est venu nous révéler le Père : « Celui qui m’a vu a vu le Père » dit-il à Philippe. (Jn14, 9). Reconnaître le Fils, c’est reconnaître le Père : « Celui qui n’honore pas le Fils n’honore pas non plus le Père qui l’a envoyé » (Jn5, 23). Sa mission n’est autre que de nous révéler ce que veut le Père car « Qui parle de lui-même cherche sa propre gloire ; seul celui qui cherche la gloire de celui qui l’a envoyé est véridique. » (Jn7, 18). Le Fils ne fait donc que transmettre la volonté du Père : « Celui qui m’a envoyé est véridique et ce que j’ai entendu auprès de lui, c’est cela que je déclare au monde. » (Jn 8, 26). Le Fils ne fait autre chose que la volonté du Père : « Je suis descendu du ciel non pas pour faire ma propre volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé. » (Jn 6, 38).

Or ce que le Père veut c’est que tous les hommes soient sauvés : « Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde mais pour que le monde soit sauvé par lui. » (Jn 3, 17). C’est donc pour cela qu’il envoie Jésus, le Sauveur « venu non pour les justes mais pour les pécheurs » (Mc 2, 27). Conformément à la volonté du Père, Jésus est venu apporter le salut à tous, il est venu sauver le monde, dans un acte d’amour : « Je ne suis pas venu juger le monde, je suis venu sauver le monde. » (Jn 12, 47). Les premiers bénéficiaires semblent en être les Samaritains : « Nous l’avons entendu nous-mêmes et nous savons qu’il est vraiment le Sauveur. » (Jn 4, 42).

Les frères, à la suite des apôtres, sont « semeurs d’évangile »
Vitrail de la chapelle ND de l’Hermitage

Ad Gentes

De ce florilège de citations évangéliques, qu’on serait bien tenté de multiplier, on conclut aisément que la mission de l’Église s’ancre profondément dans la mission confiée par Dieu à son Fils, mission transmise ensuite aux disciples dans le souffle de l’Esprit répandu sur eux à la Pentecôte.
L’Église reprend le « témoin », comme on dit dans les courses de relais, une image chère à saint Paul, en s’inscrivant dans cette transmission. « Envoyée par Dieu aux païens ; l’Église est tendue de tout son effort vers la prédication de l’Evangile à tous les hommes. » Tels sont les premiers mots du préambule du décret sur l’activité missionnaire de l’Église, décret Ad Gentes, « Aux païens », du Concile Vatican II.

L’Église est, par nature, nécessairement missionnaire « tirant son origine de la mission du Fils et de la mission du Saint-Esprit. » De ce fait, chaque chrétien se trouve engagé dans la mission. Nul ne peut s’y soustraire, car ce serait ignorer que « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. » C’est ainsi que s’exprime saint Paul dans sa première lettre à son disciple Timothée, se présentant lui-même comme « héraut et apôtre ». (2,7).

Les disciples de Marcellin Champagnat, les Frères Maristes, l’ont parfaitement compris, en lançant leurs missions Ad Gentes, à Madagascar et ailleurs. Ce faisant, ils veulent se conformer aussi au désir de leur saint fondateur pour qui « tous les diocèses du monde entraient dans ses vues. »

Bernard FAURIE
Paru dans Présence Mariste N° 268, Juillet 2011

Dans la même rubrique…

Mots-clés

Articles liés

Revenir en haut