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Le silence dans la musique

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Le rôle du silence est de séparer la nature, c’est-à-dire la vie courante avec ses bruits, de l’art qu’est la musique. (Présence Mariste n°304, juillet 2020)

Henri Paccalet

En pleine pandémie du Covid 19, je vous invite à vous plonger dans la musique pour y découvrir, non pas les belles mélodies de Mozart ou de Bach, mais le silence, voire les silences ; ça doit certainement vous sembler paradoxal ! Pourtant j’oserai dire que, dans la situation actuelle, nous reprenons conscience, plus facilement, de l’écriture d’une partition musicale, avec ses nombreux silences qui prennent sens.

Rassurez-vous, je ne vais pas vous proposer une page de solfège ( !) vous décrivant les différentes clés musicales, les notes et les silences. Ah ! les silences… tiens donc ! Oui, je dirai que le silence, en musique, permet de passer de la vie « courante » à l’œuvre d’art ». En effet, tant que la musique n’est pas commencée, les chanteurs, les musiciens et le public ne sont pas situés dans « l’art ». Le rôle du silence est de séparer la nature, c’est-à-dire la vie courante avec ses bruits, de l’art qu’est la musique. C’est un peu le rôle du « cadre » d’un tableau : une invitation, pour le regard, à oublier la paroi avant de s’attacher à l’image qu’il limite. Il faut donc, avant toute œuvre chantée, un « silence-cadre » qui prépare à entrer dans le royaume de la musique.

De même, si vous avez déjà écouté un chœur, vous avez certainement remarqué que le chef de chœur, au début du morceau, lève bras et mains ; alors le public comprend qu’il faut se taire, faire silence. De même à la fin du morceau, le chef de chœur ne baisse pas immédiatement les mains et les bras ; il les maintient à la même hauteur durant un temps de silence : immobilité et recueillement intense ; puis, seulement descente des bras ; alors le chœur et le public sont rendus à la vie courante.

Le timbre des voix et des instruments, la mélodie et le rythme ainsi que les silences créent une impression particulière, un état de sensibilité ; Vous remarquerez qu’il est difficile de parler du silence dans la musique sans parler des sons ! D’ailleurs la multiplication des concerts, l’expression des moyens de reproduction : radio, télévision, CD, MP 3 tendent de plus en plus à diviser le monde en deux : ceux qui font de la musique et ceux qui l’écoutent.

Qui parle sème,
qui écoute récolte.

Pythagore

Cette pandémie du Coronavirus nous replonge dans le silence d’une manière radicale : nos yeux et nos oreilles n’en reviennent pas ; places, avenues, rues désertes et silence presque assourdissant !

Peut-être que ces brèves réflexions vous donneront envie de revenir aux sources mêmes de la musique ; sachant que nulle pratique n’est plus féconde, au point de vue culturel, que celui de l’art vocal et choral, parce qu’elle nous ramène aux sources mêmes de la musique.

Alors…Chut ! Silence !

Henri Paccalet

Cf. Le livre du chef de chœur, de Pierre Kaelin, Du Ciné-club au langage TOTAL, de A. Vallet

(Publié dans « Présence Mariste » n°304, juillet 2020)
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