
Les commentaires et analyses qui ont suivi la fin du synode sur la famille laissent apparaître un très large éventail de réactions allant de la déception “on n’a même pas changé la position dogmatique envers les divorcés remariés et leur accès aux sacrements ?, jusqu’à l’inquiétude opposée : “l’Église étant la seule dans notre société hédoniste à proclamer l’exigence de fidélité et de durée du mariage il faut absolument tenir ces points ?.
Ainsi a-t-on résumé, par un raccourci funeste, ces deux exigences en une opposition binaire simple : attitude dogmatique ou attitude pastorale. Pour dire les choses en langage courant : allons-nous rappeler la loi ou être ouverts à tout et à tous ?
Or, loin d’apporter une réponse immédiate aux questions sur la famille par une encyclique, le Pape François a convoqué un synode. Ce n’est pas qu’il se refuse à publier une encyclique, - l’admirable « Laudato si » tombé sans délai avec un écho médiatique important le prouve, - c’est qu’il a estimé que cette forme d’action ne convenait pas pour traiter les questions familiales.
Nous avons à transposer cette démarche "synodale" nous aussi pour agir à notre niveau dans ce domaine.
Qu’est-ce à dire ?
Les évêques en allant à Rome n’ont pas trouvé de réponse toute prête à leurs questions. Ils ont été invités à prendre du temps : 2 ans… Ils ont été invités à écouter leur entourage pour relever ce qui va bien et ce qui ne va pas, ils ont été invités à débattre avec sincérité avec leurs pairs, puis à élargir leurs échanges en retournant chez eux un an, pour débattre à nouveau avec d’autres, beaucoup d’autres et vraiment « autres », pour revenir enfin auprès du père qui a tout fait pour les laisser élaborer un consensus entre eux, en les accompagnant de sa bienveillance et de sa prière.

Ce cheminement en six étapes est déjà mis en place avec des formes variées dans toutes les paroisses. En effet, quel que soit le sacrement demandé : baptême, première eucharistie, confirmation, mariage, et où que ce soit, l’Église demande du temps, et du temps pour Dieu ! Quand on sait que, pour la majeure partie de nos contemporains, Dieu c’est pratiquement rien, nous nous trouvons à peu près dans le sketch de Raymond Devos “c’est rien, mais trois fois rien, c’est déjà quelque chose ?. Pour les évêques, chez qui Dieu n’est pas rien, le pape avait prévu 2 ans pour la question de la famille, nous avons donc, en tant qu’accompagnateur de la préparation au mariage, ou plus tard d’accompagnement familial de toute sorte, à être patients dans l’attente d’un résultat !
Les fiancés demandant « un mariage à l’Église » se résolvent à l’idée qu’on n’exécutera pas immédiatement leur demande de cérémonie : le bouche à oreille les a informés qu’il fallait se présenter 9 mois voir un an avant la date désirée. Ils sont parfois un peu inquiets mais très vite ils adhèrent aux propositions de cheminement qui leur sont faites pour peu qu’on ne cherche pas à les endoctriner, et que ce qui est dit soit en lien avec ce qu’ils vivent en couple. On voit poindre ici la limite d’une préparation plus orientée sur l’enseignement de la religion que vers le projet d’une formation au discernement.

C’est en effet non seulement au moment de la décision du mariage mais tout au long de la vie qu’ils auront à faire face à des décisions lourdes de conséquences et l’Église, comme le Pape François vis-à-vis de ses évêques, ne leur demande pas d’appliquer des règles simples et absolues. Il s’agit pour les accompagnateurs d’initier les couples au discernement : prenez du temps, écoutez votre conjoint, discutez avec sincérité même au risque du conflit, sachez prendre des pauses avant de revenir sur une question difficile, priez, consultez des amis, un conseiller spirituel, reprenez plus tard en couple la question… bref il s’agit de considérer les fiancés comme des adultes responsables, capables d’exercer un discernement et d’élaborer un consensus en couple pour prendre une décision. L’Église fait confiance dans leur capacité à conduire leur vie et ne cherche pas à le faire à leur place, même si dans un deuxième temps, elle trouve important de leur faire connaître ses lois (dogmes) car elle sait qu’elles constituent ensemble un cadre favorable à une vie bonne.
Les sessions de préparation au mariage mettent en œuvre cette dynamique spirituelle. Les fiancés la vivent, on ne l’enseigne pas : sur chaque thème, même les plus délicats : infidélité, diagnostic prénatal avec handicap, stérilité, relation conflictuelle avec les familles, violence etc. des temps à deux alternent avec des débats à plusieurs où l’occasion se présente souvent, pour les animateurs, de témoigner. Les animateurs font le lien avec leur foi en Jésus-Christ, développent comment les quatre piliers du mariage : liberté, fécondité, fidélité, indissolubilité, constituent un cadre concret mais aussi idéal du sacrement de mariage ; tout le monde n’y arrivera pas… mais tous y aspirent. Par ailleurs, grâce aux entretiens individuels, le célébrant les accompagne dans la singularité de leur histoire, de leur vie de couple, de leur foi souvent décalée l’un par rapport à l’autre.
Les couples, à la fin d’une session sont généralement heureux. Il ne reste plus qu’à « marquer l’essai » en leur recommandant de prendre soin régulièrement de leur amour, le temps d’un week-end à deux. Un prêtre conseillait « un voyage de noce par an ! » notre Église est riche en propositions et mouvements capables de les accompagner. À nous de les inviter et de les faire connaître…

Et la foi dans tout ça ? Nous partageons toujours un texte d’évangile, nous terminons les sessions par un temps de prière à la chapelle, mais je crois, parce qu’ils nous le disent, qu’ils s’interrogent sur notre bénévolat notre « joie de vivre et joie de croire » (titre d’un des premier livre du P. Varillon). Ils nous questionnent : vous passez combien de temps pour nous ? Ils nous remercient… et nous ne doutons pas qu’un jour, ils découvrent la Source de ce petit temps de bonheur passé avec eux.