Qui est le frère Bernardo ?

Biographie d’un des frères martyrs : Frère Bernardo (« Présence Mariste » n°255, avril 2008)

Une enfance toute ordinaire

Frère Bernardo, un homme libre pour Dieu et les hommes

Frère Bernardo que l’Église vient de béatifier en reconnaissant son martyre, le 28 octobre dernier, est né à Camallera, près de Gérone, en Catalogne espagnole, le 18 février 1889.
Placide, Fábrega Juliá, était le sixième d’une famille de huit enfants. Ses parents étaient de modestes cultivateurs. Le père meurt en 1895, à 43 ans. La mère, Marie, reste veuve avec sept enfants dont quatre ont moins de dix ans. Saluons l’héroïsme d’une femme à qui la foi et le courage donnèrent la force d’élever sa famille.

Placide, dès l’âge de douze ans, commence son initiation à la vie mariste au juvénat de Vich, où son frère Jean l’avait précédé. Le 8 septembre 1904, il entre au noviciat et, une année plus tard, fait sa première profession religieuse sous le nom de Frère Bernardo. À 17 ans, il commence à enseigner en diverses villes. Le 30 août 1910, il fait sa profession perpétuelle à Manrèse. À 21 ans, il est pleinement mariste. Il est aussi un enseignant et un catéchiste accompli.

Un éducateur plein d’initiatives
En août 1925, à 36 ans, il dirige une école pour les enfants des mineurs, à Vallejo de Orbó. L’école accueille 150 enfants. Elle est située dans une zone minière (charbon), non loin de Barruelo. Frère Bernardo s’attache à cette population laborieuse, infiltrée par le marxisme. Conscient de la pauvreté des familles, il mobilise son imagination et met en œuvre son amour des enfants pour offrir à ses élèves des possibilités d’un avenir meilleur. Il fonde un cercle d’études, une compagnie théâtrale, une association d’anciens élèves, un groupe de jeunesse catholique, une bibliothèque, une mutuelle scolaire pour aider les familles les plus pauvres. Quarante-cinq d’entre elles y adhèrent, dès le premier jour. Il a le souci permanent de proposer à ses élèves la vocation du prêtre ou du Frère et connaît la joie d’en voir beaucoup répondre à son invitation. L’actuel curé de Barruelo est un de ses anciens élèves.

Le 26 avril 1930, il perd sa mère, âgée de 78 ans. Cette mort est pour lui une grande épreuve comme en témoignent ses notes personnelles.
En septembre 1931, Frère Bernardo arrive à Barruelo, comme directeur de l’école et supérieur d’une communauté de six Frères.
La situation politique est menaçante. Frère Bernardo se préoccupe des jeunes qui, à la fin de leur scolarité, à 14 ans, sont livrés à eux-mêmes avant de pouvoir être embauchés à la mine – unique employeur – à partir de 16 ans.

Les étapes de la vie du Frère Bernardo

Le 4 décembre, fête de sainte Barbe, patronne des mineurs, il décide que les anciens élèves pourront rester dans la cour, les jours de semaine, durant la classe et que les élèves seront autorisés à demeurer à l’école, les jours de fêtes et de vacances. "Par ce moyen, écrit-il, on peut gagner l’affection des élèves et des anciens élèves." Il ouvre une sixième classe. Ainsi, chaque jour, environ soixante-dix anciens, de 14 à 16 ans, revenaient à l’école pour plusieurs heures, gratuitement. L’année scolaire 1932-33, l’école mariste passe de 300 à 350 élèves.
Frère Bernardo accepte un maximum de jeunes pour les soustraire à l’idéologie marxiste de la Maison du Peuple. Il écrit à l’un de ses anciens élèves : « Neuf heures de classe par jour, heures qui me paraissent des minutes, parce que je trouve mes délices à être au milieu des enfants et tout ce que je fais pour eux me paraît bien peu ! » (…)

Il brave l’interdiction d’enseigner
À la fin de l’été, il note : « L’avenir est incertain et ténébreux ». Le 1er octobre 1933, une loi décrète la laïcisation de tous les instituts religieux et leur interdit d’enseigner.
Frère Bernardo reste pourtant convaincu que les Frères peuvent encore agir auprès des jeunes et le 2 octobre, il accueille 350 élèves. Au cours de l’année, il prépare 72 enfants à la première communion. Marie est son étoile pour conduire les jeunes à Jésus. Un 8 décembre, fête de l’Immaculée Conception, il écrit à un ancien : « Pour n’oublier personne, j’ai porté le carnet de notes de mes élèves et j’ai lu vos noms un à un, demandant à la très sainte Vierge qu’elle vous bénisse tous et qu’elle ne permette pas qu’un seul de ceux que Dieu m’a confiés se perde. »
Le 17 septembre 1934, 354 élèves entrent en classe. Le 5 octobre, fête de saint Placide, son patron de baptême, Frère Bernardo a invité la communauté de Vallejo de Orbó.
Le lendemain, au petit matin, les Frères sont réveillés en sursaut par des coups de feu tirés contre les fenêtres de l’école. Ils fuient par le jardin. Frère Bernardo les encourage à gagner le ruisseau tout proche. C’est alors qu’il est sauvagement abattu par un tueur qui n’a pas été sensible à l’ultime requête du Frère : "Au nom de Dieu, ne tire pas. Je suis le directeur de l’école et voilà neuf ans que je me dévoue à l’éducation des fils des mineurs. Mais l’autre lui déchargea deux coups de fusil. J’ai entendu les derniers mots du martyr : “Vierge très Sainte ! Seigneur ! Pardonne-moi, pardonne-lui, Seigneur ! Mère”. (Témoignage)
Son corps, atrocement mutilé, est abandonné pendant tout un jour dans le jardin des Frères. Le 8, il était enterré au cimetière local et, une année après, ses restes étaient transférés dans un tombeau-mausolée.

Cette mort précédait de deux ans celle des 46 autres maristes assassinés en 1936, dont le Frère Laurentino, Supérieur Provincial. Ils ont été béatifiés, ce même 28 octobre 2007, parmi 498 victimes de la persécution religieuse en Espagne.

Le martyre du Frère Bernardo annonçait celui de plus de 170 de nos Frères d’Espagne, tués comme lui en haine de la foi.

Chaque heure, chaque jour, heureux au milieu des enfants (groupe d’enfants de l’école de Tarragone)

Tous furent de « merveilleux compagnons » de saint Marcellin Champagnat.
Ils ont réalisé pleinement leur vocation de Frère telle que le Fondateur l’envisageait :
« L’éducation de la jeunesse n’est point un métier, c’est un ministère religieux et un véritable apostolat… Pour s’acquitter dignement de cet emploi, qui est une participation de la mission de Jésus-Christ, il faut avoir l’esprit du divin Sauveur et, comme lui, être prêt à donner son sang et sa vie pour les enfants. » (Vie, p. 558, édition 1989)

Frère Alain DELORME

(Paru dans « Présence Mariste » n°255, avril 2008)

Dans la même rubrique…

Mots-clés

Articles liés

Revenir en haut