Avec nos frères chrétiens d’Orient

Pourquoi ne pas approfondir les chemins de spiritualité de nos frères du Moyen Orient ?

Au-delà de nos activités et de nos projets, de nos réussites et de nos échecs, il y a quelque chose qui oriente notre vie et lui donne sens. Le christianisme est donneur de sens. Or il est né et s’est d’abord développé dans la partie Est du bassin méditerranéen. Pourquoi ne pas approfondir les chemins de spiritualité de nos frères du Moyen Orient ?
Un autre regard

Sciences et techniques ont modelé le regard que nous portons sur le monde. Pour nous Occidentaux, le monde est surtout un chantier où règne la production. La dérive est facile : production, consommation, surproduction, dérèglement de l’activité humaine…

Or, avant d’être transformé, le monde est d’abord à regarder. Les artistes le savent bien. On se souvient d’Athénagoras, le patriarche orthodoxe de Constantinople, qui avait rencontré Paul VI à Jérusalem. Cet homme avait une capacité enfantine de s’émerveiller ; à plus de 80 ans, il saluait, en février, le premier arbre qui fleurissait dans son jardin. Pour le croyant, le monde est un cadeau de Dieu. La contemplation de la nature peut donner saveur spirituelle à nos existences. Un mystique chrétien d’Orient, Pierre Damascène, donnait le conseil suivant : « Si tu vois la lumière, souviens-toi de Celui qui te l’a donnée ; si tu considères le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, admire et glorifie Celui qui lésa créés ».

Qui donc est l’homme ?

Les penseurs de l’Orient chrétien ont puisé dans la Bible, notamment dans les chapitres sur la création, leur connaissance de l’homme : créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, l’homme a une dignité que rien, ni personne ne peut lui ôter. Ecoutons Grégoire de Nysse, un homme du IVe siècle : « L’homme est au-dessus de toute créature. Le ciel n’est pas une image de Dieu. Seul, tu as été fait image de la Réalité qui dépasse toute intelligence, ressemblance de la Beauté incorruptible… » . Il convient d’ajouter que, pour ces mêmes penseurs, c’est l’homme tout entier - corps et âme - et tous les êtres humains ensemble qui sont image de Dieu. Et c’est parce qu’ils ressemblent à Dieu que les hommes sont capables de se déterminer eux-mêmes, c’est-à-dire d’être libres.

« Le christianisme est la religion des visages »

L’expression est d’Olivier Clément, un laïc français qui, à l’âge adulte, a opté pour la foi orthodoxe. A un moment de l’histoire, Jésus est venu manifester le visage du Père et restaurer en l’homme l’image de Dieu qui avait été ternie par le péché. Sur la croix, Jésus a consenti par amour à prendre le visage défiguré de l’homme - défiguré par le péché et la souffrance. En ressuscitant, Jésus a retrouvé son visage de gloire et a donné à l’homme un visage transfiguré. Le visage est la vitrine de la personne dans sa profondeur. Et quand un être humain accueille l’Esprit Saint dans sa vie, il prend un visage déjà transfiguré. Si, l’an dernier, des centaines de milliers d’hindouistes, de bouddhistes, de musulmans et de chrétiens ont tenu à contempler une dernière fois le visage de Mère Térésa, c’est parce que ce visage, buriné par les ans et le labeur, mais chargé d’amour, dégageait une beauté « surnaturelle ». Cette vision de transfiguration est très présente à l’esprit et au cœur de nos frères d’Orient. Elle inspire leur liturgie qui est anticipation de la gloire céleste ; elle explique en partie la place de l’icône dans leur spiritualité.

L’Icône

Venue de l’Orient chrétien, l’icône a fait son apparition dans les églises et les chapelles d’Occident, surtout au XXe siècle. Elle est un cadeau original et apprécié par jeunes et adultes à l’occasion d’un baptême, d’une première communion, d’un mariage…

Quelle est donc l’origine de l’icône et sa place dans la spiritualité des Eglises d’Orient ? Alors que, dans les premiers livres de la Bible, l’interdiction était faite aux Hébreux de représenter Dieu sous une forme concrète, ceci pour éviter tout risque d’idolâtrie, les chrétiens, - passé le premier siècle - se sont mis à représenter le Christ. Pourquoi ? C’est parce que, en un moment de l’histoire, Dieu a pris un visage humain en la personne de Jésus-Christ. Jésus est l’image du Père et sa manifestation. Par l’icône, comme par la Liturgie, les chrétiens d’Orient « gardent mémoire » de la vie du Christ, de sa mort et de sa résurrection, cause du salut du monde. L’icône exprime la foi de l’Eglise, nourrit la prière et la foi des chrétiens. . -

La rencontre de l’humain et du divin

L’icône surprend un peu les Occidentaux, car elle diffère des représentations religieuses auxquelles ils sont habitués. En effet, l’icône ne cherche pas à reproduire l’humain, mais elle veut exprimer la rencontre du divin et de l’humain. Les visages, les corps sont spiritualisés, selon cette vision de transfiguration dont il est question plus haut. Ainsi, la perspective est absente de l’icône, ce qui signifie que la personne représentée vit la sérénité par rapport au temps et à l’espace de ce monde. Le choix des couleurs obéit à une symbolique : la tunique du Christ est bleue parce que le bleu du ciel symbolise la nature divine. Son manteau est de couleur rouge vermeil, symbole de sa nature humaine, car le rouge vermeil est la couleur de la terre. Si la Vierge Marie est représentée en icône, c’est qu’elle a joué un rôle éminent dans l’Incarnation du Fils de Dieu.

On connaît la ferveur des Eglises d’Orient à l’égard de Marie, la Toute Sainte. En fait preuve, notamment, l’hymne acathiste (priée debout) à la louange de la Mère de Dieu. Les apôtres, les martyrs, les autres saints sont représentés en icônes parce que dans l’Eglise, ils expriment le rayonnement de la sainteté de Dieu. Pour les chrétiens d’Orient, l’icône est l’œuvre de l’Esprit Saint. Avant de prendre ses pinceaux, le peintre se prépare par le jeûne et la prière. Lorsqu’on vénère l’icône, soit dans la maison, soit au cours de la liturgie, on vénère, bien entendu, la personne qu’elle représente.

Prière continue

On ne peut parler de la spiritualité de l’Orient chrétien sans évoquer la prière de tant de moines mais aussi de laïcs qui s’appuient sur la recommandation de l’apôtre Paul : « Priez sans cesse ». L’invocation répétée du Nom de Jésus, telle que : « Jésus, Fils du Dieu Sauveur, prends pitié de moi, pécheur » produit des fruits merveilleux dans la vie des croyants qui acquièrent ainsi un sens profond de la présence de Dieu. Cela peut nous faire penser au Père Champagnat qui avouait : « Je suis aussi recueilli dans les rues de Paris que dans les bois de l’Hermitage ».

Soufflé !

Les sportifs, en cours de compétition, ont bien besoin de leurs deux poumons ! Les deux poumons du Christianisme sont l’Eglise d’Orient et l’Eglise d’Occident. Partageant réciproquement leurs richesses, les Eglises ne s’en sentiront que plus fortes pour exercer leur mission dans les sociétés d’aujourd’hui.

Frère Marcel SOUTRENON

(Publié dans « Présence Mariste » n°214, janvier 1998)

Dans la même rubrique…

Mots-clés

Articles liés

Revenir en haut