En communication

Jamais les hommes n’ont disposé d’outils de communication aussi performants qu’à l’heure actuelle : multimédia, Internet portable, bientôt vidéophone… Et pourtant, les hommes sont-ils davantage capables de communiquer entre peuples, entre groupes raciaux, entre catégories sociales, au sein des familles et des communautés ?

COMMUNIQUER, C’EST RESPIRER

« Dans les grandes villes, c’est l’anonymat, alors qu’ici tout le monde se connaît ». Cette réflexion d’une jeune habitante d’une île écossaise, révèle bien que le désir de communiquer est ressenti comme un bien dont on ne voudrait pas se dessaisir. Dans les grands ensembles, le manque de communication conduit à toutes les dérives. Sur le plan individuel, les personnes qui n’arrivent pas à communiquer sont bien souvent enfermées dans des maux tels que le ressentiment, le pessimisme, la désespérance. Ainsi donc, pour les collectivités comme pour les individus, la communication est une sorte de respiration qui mesure le degré de santé humaine.

LES OBSTACLES À LA COMMUNICATION

C’est peut-être d’abord l’indifférence à autrui. On ne s’intéresse pas aux autres parce qu’on vit sur soi ou parce qu’on se croit autosuffisant : « J’ai ce qu’il me faut, que puis-je recevoir des autres ? » C’est oublier que les êtres humains sont constitués pour vivre dans la réciprocité, c’est-à-dire pour recevoir et pour donner. Ils sont comme des arbres qui puisent dans le sol les éléments nutritifs et qui offrent bourgeons, fleurs et fruits.

C’est aussi la peur, peur d’être dérangé, agressé. Il faut bien avouer que l’écoute et le dialogue sont parfois éprouvants. Communiquer, c’est prendre le risque de recevoir sur ses épaules une partie du fardeau que portent les autres. Alors, on se tient à distance mesurée comme les porcs-épics dont parle le philosophe Schopenhauer ; ces animaux se tiennent ni trop loin pour profiter des avantages de « la vie en commun », ni trop près pour ne pas se piquer à leurs congénères !

Un des obstacles majeurs à la communication, c’est évidemment le manque de sincérité, le maintien de l’équivoque. La communication exige en effet le détachement des intérêts trop particuliers, le dépassement des attitudes passionnelles.

Il convient d’ajouter qu’on ne force pas quelqu’un à communiquer ; la communication est libre ou elle n’est pas. Chaque être humain jouit d’une intimité que personne n’a le droit de violer. La transparence totale, même entre personnes qui se connaissent et qui s’aiment, est une illusion. Chacun est un mystère qu’on ne peut approcher qu’avec discrétion et parfois dans le silence.

COMMUNIQUER COMMENT ?

Il faut parfois peu de choses pour casser la glace entre plusieurs personnes : un regard, un sourire, une parole, un geste approprié… Faire quelque chose ensemble est souvent un bon mode de communication. A l’occasion d’une fête, une communauté de religieuses avait eu la bonne idée d’inviter les familles de leur immeuble à venir prendre un café dans leur appartement. Après un moment passé dans la simplicité et la gaieté, un papa d’origine congolaise, remerciait ses hôtes en ces termes : « Vous nous avez fait chaud au cœur ». Pour communiquer, pas de recettes ; seulement des qualités d’intelligence et de cœur.

COMMUNIQUER QUOI ?

Regardez des jeunes attroupés sur un trottoir ; de quoi parlent-ils entre eux ? Au-delà d’impressions échangées, d’informations données, de questions à traiter, que peut-on bien communiquer ? On communique sa manière de comprendre événements et situa-, tions, ses joies et ses déceptions, ses attentes et ses projets… Plus profondément, on communique ses convictions, sa foi. En somme, on communique un peu de sa vie.

MARCELLIN CHAMPAGNAT, HOMME DE COMMUNICATION

« C’est à son caractère gai, ouvert, facile, prévenant et conciliant que le Père Champagnat doit une grande partie de ses succès dans le ministère et dans la fondation de son Institut ». Ainsi s’exprime son premier biographe.

Marcellin Champagnat savait très bien communiquer avec les enfants

Alors que le curé Rebod reste plutôt enfermé sur lui-même, l’abbé Champagnat, fraîchement débarqué à La Valla, ne tarde pas à contacter les gens de la paroisse. Comment se fait-il que les enfants accourent à son catéchisme, même si les turbulents se font parfois remettre en place ? Comment se fait-il qu’après cinq mois de présence du vicaire, deux jeunes acceptent de former communauté, sous sa direction ?

Une partie de la réponse est peut-être dans cette réflexion que le Fondateur fera plus tard à ses Frères. Dans le travail apostolique, « il ne suffit pas, disait-il, de plaire à Dieu, il faut encore plaire aux hommes ». Quand on connaît le Père Champagnat, il ne s’agit pas ici d’une complaisance facile recherchée pour elle-même ; mais il s’agit, par un travail sur soi, de se rendre aimable, communicatif ; le Dieu que Champagnat veut annoncer n’est-il pas aimable ?

UN DIEU QUI COMMUNIQUE ET INVITE À COMMUNIQUER

Alors qu’après sa faute, Adam se cachait dans les feuillages du jardin, « Dieu appela l’homme et lui dit : « Où es-tu ? »

Depuis les débuts de l’humanité, Dieu s’entête à communiquer avec les hommes, même lorsque ceux-ci se cachent ou se bouchent les oreilles. Impossible communication ? Non, car le Dieu des chrétiens est communication en lui-même : entre le Père, le Fils et l’Esprit, c’est l’échange parfait. Et si Dieu parle aux hommes, c’est en définitive pour leur communiquer ce qu’il a de plus précieux, sa Vie. Créés à l’image de Dieu, les êtres humains ne sont-ils pas appelés à communiquer aussi à leurs frères ce qu’ils ont de plus précieux, à travers ce qu’ils font et ce qu’ils sont ?

Fr Marcel Soutrenon

(Publié dans « Présence Mariste » n°215, avril 1998)

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