Prier « Marie » … ou Prier « avec Marie » ?

Prier Marie ? Plutôt « Prier avec Marie » qui ne cesse de nous tourner vers le Christ. « Le risque existe de s’arrêter à Marie comme source de toute grâce. »

Originaire de Marlhes, responsable d’une paroisse près de St Etienne, le Père Marcel Epalle est témoin d’humbles manifestations de piété mariale. Nous le remercions de sa réflexion bien concrète.

Marie dans la piété populaire.

Jean GUITTON, philosophe originaire de St Etienne, s’était intéressé à la statuaire mariale. Il remarquait que les vierges les plus anciennes avaient le visage à peine esquissé. Elles étaient plutôt comme des supports chargés de présenter l’Enfant Jésus.
L’Enfant, lui, avait au contraire un visage finement sculpté. C’était Lui l’important. Marie n’était là que pour mettre en évidence son Enfant, dans un rôle évangélique de servante.

Au cours des siècles, on a donné plus d’importance à Marie. Elle prend un relief de plus en plus grand. Chaque culture, chaque race lui prêtera ses traits, ses grâces, ses vêtements.

Un jour viendra, dans certaines représentations modernes, où Marie sera présentée seule, sans son Fils.
Ce relief de plus en plus grand donné à Marie correspond à un développement de la piété mariale. Piété tout à fait légitime si elle sait donner à Marie, son rôle de chemin vers son Fils.

Prier avec Marie le Seigneur bien-aimé, sachant qu’elle sait mieux que quiconque la prière qui plaît à son Fils. Piété insuffisante si elle ne sait pas l’indication de Marie qui ne cesse de nous tourner vers le Christ :
« Faites tout ce qu’il vous dira ».

Le risque existe de s’arrêter à Marie, comme source de toute grâce. Or UN SEUL est source, Celui qui a donné sa vie pour la multitude. Celui par qui Marie a été préservée de tout péché et associée à sa victoire.
Dans la foi populaire, Marie apparaît comme directement accessible et immédiatement à l’écoute de la détresse ou de la supplication de ses enfants.

Dans l’église de St Genest Lerpt.

Quelles demandes montent vers Marie ?

En ce sens, révélatrices sont les intentions de prière notées sur les cahiers déposés dans les sanctuaires mariaux, par exemple à la chapelle de St Genest Lerpt, près de St Etienne, chapelle consacrée à Notre Dame de Pitié.

Prêtons attention aux demandes des passants qui ont pris le temps de noter d’une écriture parfois malhabile des intentions parfois.

 Demandes personnelles concernant sa propre santé :
"Notre Dame, fais que je souffre moins de la colonne, je t’en supplie, aide-moi."

Très personnelles et très concrètes. Le plus souvent ces demandes concernent la famille, les proches. Elles touchent à tous les biens qui ont trait au bonheur d’une famille : santé, harmonie, sécurité, épanouissement dans le travail, partage d’une même foi :

 « Notre Dame, donne la force à ma petite fille pour guérir. »
 « Notre Dame de Pitié, guérissez notre petite fille. A 4 ans, elle a déjà dix crises d’épilepsie. »
 « Elle n’est pas sourde ni muette, elle ne parle pas. Oh, Notre Dame guérissez notre petite A. »
 « Notre Dame, donnez la paix, l’unité dans mon foyer désuni. »
 « Marie, je te confie mes enfants, aide-les à retrouver ton chemin et à se construire un avenir. »
 « Je te confie mon mari : qu’il soit bien dans son travail : cela devient trop difficile. »
 « Notre Dame de Pitié, faites que ma petite-fille réussisse à ses examens. »
 « Notre Dame de Pitié, protégez toute ma famille. »
 « Notre Dame de Pitié, faites-moi gagner une grosse somme au tiercé. » Demande aussitôt corrigée par cette remarque : « La Vierge n’est pas là pour cela ! »
 « Vierge Marie, c’est un appel au secours. Guérissez-moi et accordez mon vœu pour le bien de ma famille… Vous savez tout. »
 « Sainte Vierge, aidez-moi à garder un emploi et aidez mon fils à pouvoir faire sa formation. »
 « Notre Dame de Pitié, n’oubliez pas mon fils très malade… très…C’est dur, très dur ! »
 « Donne à chacun le courage qu’il lui faut pour faire ta sainte volonté. »

Merci et supplication se conjuguent :

« Merci pour la naissance de ma fille ! Veille sur mes enfants, sauve mon fils F. de sa maladie et trouve-lui un travail afin qu’il n’ait plus de crise de déprime. »

Parfois l’horizon s’élargit au-delà de la famille :

"Apportez la paix dans nos cœurs, partage et amour avec tous. Faites enfin que les guerres cessent et que les gens soient solidaires.
Faites que les enfants apprennent à connaître mieux votre Fils Jésus et pour ce faire viennent au catéchisme."

Marie attentive à toute détresse.

Ces gens qui expriment leurs supplications ressemblent sans doute étrangement à ces foules qui assaillaient le Christ et attendaient de lui un miracle, un signe de vie.
Et Jésus, dans son cœur infiniment compatissant accueillait, consolait, guérissait. Confronté à la souffrance des gens, il était sensible à leur foi, à leur folle espérance. Et il était plein d’admiration :
« Femme, ta foi est grande. »

Tout en continuant à croire à la tendresse du Christ, ces « priants » trouvent en Marie comme une intermédiaire. Ils se confient à la Mère, la meilleure des Mères, celle donc qui peut tout entendre, tout comprendre, « tout guérir » (plus exactement, Dieu seul guérit).

On dirait que la piété populaire a besoin de ce visage féminin de la tendresse. Le visage de Dieu incarné pourtant si proche par son humanité a besoin de se refléter sur le visage de Marie. Dans cette ignorance des prières essentielles confiées à la mémoire chrétienne, je me rends compte que le « Je vous salue, Marie » est la seule prière encore murmurée aux célébrations des funérailles.

A côté de la figure du Christ compatissant, la piété chrétienne a placé Marie, proche de nous par son humanité, Mère au grand cœur, nécessairement attentive aux détresses de ses enfants.
Par sa vie très humble à Nazareth, par son rôle au foyer de Nazareth avec Joseph, par son union intime avec le Christ dans l’épreuve de sa Passion ; par la douleur de la Mère recevant dans ses bras le corps de son Fils crucifié, Marie semble avoir récapitulé toutes les situations humaines et cela lui donne une place privilégiée pour entendre, comprendre et porter à son Fils toutes les supplications qui montent de la terre…
Les mots de Jésus à la croix : « Voici ta mère » ont été entendus et chacun se croit un peu comme St Jean en lien particulier avec Marie.

Marie, chemin vers son Fils.

Figure intermédiaire qui n’a jamais rien retenu pour elle, mais qui n’a toujours voulu être que transparence de l’amour de son Fils, Marie se trouve bien involontairement tenir parfois la place de son Fils.
On peut admirer la grandeur de certaines confiances, cela n’empêche pas de souhaiter qu’une meilleure perception de la tâche de Marie ne lui laisse toute la place dans le cœur des chrétiens tout en lui donnant sa juste place dans le dessein de Dieu et la vie de l’Eglise.

Marie à l’écoute de la supplication de ses enfants.

Le Concile Vatican II - on le lira plus loin - a admirablement situé Marie au sein de l’Eglise du Christ, fille de l’Eglise (et Paul VI lui a donné le titre de Mère de l’Eglise) recevant tout de son Fils et rapportant tout à son Fils. Elle est grande de la grandeur de son Fils, sainte de sa sainteté. Servante dès le premier instant, elle nous apprend à prier, purifie et prolonge notre intercession. Par elle, nous savons que toute prière aboutit au cœur du Christ, en qui bat toute la tendresse du Père.

Avec les saints, avec les humbles, en récitant le chapelet, laissons Marie nous conduire doucement sur les traces de son Fils.

Père Marcel EPALLE

(Publié dans « Présence Mariste » n°246, janvier 2006)

Dans la même rubrique…

Mots-clés

Articles liés

Revenir en haut