PM 301

Le meilleur président possible, le président des biens communs

LA SOCIÉTÉ EST DEVENUE UN REPAIRE DE LOUPS

Au nom de la justice sociale et de l’équité, dans les règles de la libre concurrence, on a invité les Français à se comparer, et puisqu’il faut bien un bouc-émissaire, à dénoncer les coupables. Ce n’est que quand la faim tiraille les estomacs creux et gargouillants que les affamés se précipitent jusque dans l’assiette du voisin, se disputant la moindre inégalité en termes de portion. A chacun de défendre sa condition, les uns démontrant de leur maigreur, les autres réclamant leur juste part, tandis que certains encore justifient leurs attributions par leurs années de bons et loyaux services.

Au final, dans ce brouhaha volontairement organisé, les moutons sont redevenus des loups. Réunis en meutes, chacun organise son camp, chacun luttant contre ceux qui menacent les maigres intérêts que chaque camp s’attarde à défendre ardemment. Et moins les droits sont nombreux, plus la concurrence pour les obtenir est rude, plus la lutte est féroce.

Alors cette lutte de tous contre tous est dynamisée par la mise en place d’une plaque tournante à statuts sociaux, qui nous fait muter de case en case, désorganisant peu à peu les meutes, les transformant en alliances de loups errants occasionnelles, plus friables et donc moins résistantes.

Cette plaque tournante c’est la flexibilité, l’adaptabilité, l’investissement personnel, l’individualité au nom du libre droit de disposer de soi, la liberté d’entreprendre, etc. C’est la possibilité d’être jeté, d’être débouté, d’être au chômage, d’être seul, et j’en passe.

LA LUTTE CONTRE LA VULNÉRABILITÉ : UNE COMMUNAUTÉ D’INTÉRÊTS

On appelle cela la vulnérabilité. Elle touche 90 % de la population française. La vulnérabilité c’est à la fois le manque et la possibilité de pouvoir manquer un jour. En cela, la vulnérabilité touche autant le bénéficiaire du RSA dont l’argent manque à la fin du mois, que l’artisan patron de PME, qui voit son carnet de commandes diminuer et dont le dépôt de bilan menace.

C’est l’heure du risque permanent, adjoint à la lutte de tous contre tous, aux destructions des systèmes de solidarités. Les liens sociaux construits par les communautés religieuses, politiques, amicales et amoureuses se distendent.

Les communautés religieuses se réduisent. La communauté politique est fragmentée et menace d’éclater par sa désunion nationale.

Les communautés amicales s’amenuisent sous le coup de l’individualité et de l’égoïsme qui conduisent à vivre pour soi et souvent aux dépens des autres, sans partage. Les liens amoureux ne durent plus et le règne de l’informatique censé réduire la distance conduit une génération entière au mutisme, à la paralysie et à l’angoisse sociale.

L’AUTRUCHE ET LE SISYPHE

Tout cela entraîne deux comportements idéaux-typiques dans la jeunesse de France : l’autruche et le Sisyphe. L’autruche enfonce la tête dans le sable, anticipant son échec, l’impossibilité de s’en sortir, acceptant sa solitude dénoncée par nos aînés. Le Sisyphe quant à lui redouble d’efforts pour atteindre les sommets, souvent en vain, souvent sans fin.

Dans nos sociétés, haro sur l’autruche dont on dénonce la fainéantise, la paresse, le manque d’envie et de combativité, et abandon des Sisyphes, ces invisibles de la société, tous ceux qui se battent pour un salaire de misère, pas plus élevé que si l’on ne faisait rien, tous ceux qui tentent de longues études pour finir à Auchan, et tant d’autres.

VERS LA QUÊTE DE L’HARMONIE

Mais cette situation que je dépeins avec une dose de réalisme angoissant me laisse en bouche une espérance immense. Si au-devant de la scène se jouent les oppositions, les luttes des places, les antagonismes les plus ardents, le mépris d’autrui, on ne peut pas ne pas voir au fond de ce théâtre social anarchique, une harmonie naissante. Les citoyens, quelles que soient leurs conditions ont une communauté d’intérêts : celle de la lutte contre cette vulnérabilité. C

ette lutte doit passer par une prise de conscience. Celle-ci est désormais une nécessité, car ce sont deux systèmes qui s’affrontent : la continuation de la lutte de chacun contre chacun ou l’invention permanente d’un peuple uni, organisé par la défense de ses intérêts communs et de l’intérêt général qui ne se réduit pas à la somme des intérêts particuliers d’une pseudo majorité.

Tous les présidents de la République n’ont pas rassemblé cette communauté pour l’instant imaginée et imaginaire.

Ils ont parié sur l’union d’une minorité-majoritaire d’intérêts individuels, profitant de la désunion de tous les autres. Ainsi, face à ce système de guerre des intérêts individuels, peut naître un autre système : celui des biens communs. Nous y avons tous un intérêt. Il est temps d’élire un président des biens communs. Ils sont à la base de l’intérêt général, car ils réunissent des contraires. Ils concilient, réconcilient et permettent l’unité : ce dont nous avons le plus besoin, car ils placent comme but ultime l’harmonie.

LES BIENS COMMUNS COMME MOYENS D’ACTION ET COMME IDEAUX

Le bien commun est un bien matériel ou non que l’on reconnaît dans le présent comme ayant un intérêt majeur pour la collectivité et que l’on veut pérenniser dans le futur. Responsabilité face aux générations futures et usage dans le présent font donc bon ménage.

Le bien commun est à la fois individuel, car il est utilisé par des individus, mais également collectif car la consommation des uns dépend de celle des autres, dans un système interdépendant. Il est une réglementation juridique existant à travers des lois, mais aussi un contenu spirituel, incarnant l’intérêt général, le consentement, l’unité d’un peuple, la conscience d’appartenir à la même communauté d’intérêts et de droits. Il est une réalité concrète et palpable, comme l’eau en régie publique que l’on tire au robinet, mais aussi un idéal à atteindre : la possibilité d’accès de tous à l’eau, véritable principe vital.

De cette vision d’union de principes contradictoires émane un espoir fort : si les politiques ont une responsabilité dans la division, c’est qu’ils appellent aux biens communs sans jamais les défendre et sans jamais réaliser l’union consciente de ces intérêts. Mais il est de notre responsabilité à nous citoyens de faire émerger cette communion dans laquelle nous avons tous intérêt afin de la réaliser concrètement. A nous de choisir un président des biens communs.

M. Sylvain Begon/
22 ans
Licencié de Sciences Politiques
Etudiant en Master de Recherches Sociologiques sur la parole
Coordinateur du pôle de l’oralité à Sainte Marie à St Chamond.
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