St Pierre Chanel, hier et aujourd’hui

A l’occasion du bicentenaire de sa naissance, vocation et martyre de St-Pierre Chanel. (« Présence Mariste » n°237, octobre 2003)

Une fois de plus, j’ai pu expérimenter que, pour bien connaître un Saint, c’est-à-dire pour mieux m’imprégner de sa vie, de son message, rien ne vaut de fouler sa terre natale, lieu de son baptême, cette seconde naissance d’où tout a jailli ; ou encore de méditer longuement auprès de la tombe qui a recueilli ses restes au jour de sa mort qui est, pour le chrétien, l’ultime naissance à la vraie vie, le « dies natalis » qui est aussi aussi le jour de sa fête sur terre.
C’est vrai pour Marcellin Champagnat, avec Marlhes et N. D. de l’Hermitage, à St Chamond ; c’est vrai aussi pour son contemporain Pierre Chanel, né à Cuet, en Bresse, le 12 juillet 1803 et massacré sur l’île de Futuna, à quelque 20 000 km, le 28 avril 1841. A défaut de partir aux antipodes, à Poï, lieu de son martyre, ce baptême du sang, il était facile, en cette année du bicentenaire de sa naissance, de rejoindre Pierre Chanel au lieu qui l’a vu naître et grandir…

Un spectacle éblouissant

La communauté paroissiale de Montrevel qui englobe Cuet, au nord de Bourg-en-Bresse, s’est attachée, avec une ardeur et une ferveur exemplaires, à faire revivre ce « Bressan du bout du monde » qui tient une grande place dans sa foi comme dans son cœur. Parmi toutes les célébrations qui ont émaillé ce centenaire en divers points du diocèse de Belley-Ars et surtout à Cuet même, près de la petite église si modeste, qu’on peine parfois à trouver, c’est sans conteste le spectacle Son et Lumière des premiers jours de juillet qui aura marqué le plus les esprits : en huit séances, il aura drainé près de 10.000 pèlerins, sans compter les 130 acteurs et figurants et les centaines de bénévoles qui ont réalisé les costumes et les décors.
Exploit d’autant plus méritoire si l’on songe que, quelques semaines avant le point final, disparaissaient tragiquement les initiateurs du projet : le Père Jean-Bernard de Ligny, curé de la paroisse et André Guillemot, Président de l’Association Cuet-Accueil. De ce spectacle grandiose, conçu par Xavier Arlot comme une rencontre humaine et spirituelle plus qu’un événement culturel, qui, deux heures durant, vous tient en haleine, je retiendrai quelques temps forts particulièrement émouvants.

Une vie entièrement donnée

Tout d’abord l’enfance heureuse et espiègle d’un petit garçon de la campagne, cinquième d’une famille de huit enfants. Très tôt, il sera berger, ce qui ne l’empêche pas de rire et de batifoler mais aussi de prier, le soir, dans le petit « paradis » familial ou de jouer, le dimanche, près de la « serve » (mare, en patois), à « faire la messe ».

Sa rencontre décisive avec le Père Trompier, curé de Cras, qui lui propose de venir en classe puis en pension chez lui. Songeant à sa première communion, à 14 ans, il dira plus tard :
« C’est l’année où je formai le dessein d’aller dans les missions lointaines ».

Pourtant, un jour, il traverse une crise et décide, seul, de partir. L’institutrice qui le croise, triste et découragé, lui demande :
« As-tu au moins été à l’église prier la Ste Vierge ? »

Pierre, docilement, s’exécute et ressort peu après avec un sourire :
« Je reste ! »

Puis ce sera le petit séminaire de Meximieux, de Belley et l’ordination à l’Abbatiale de Brou, à 24 ans. C’est à la fin de son ministère paroissial à Crozet, en 1831, qu’il découvre la future « Société de Marie » que Jean-Claude Colin tente de lancer : pour Pierre, c’est le coup de foudre et il se lance à fond dans cette aventure. Quand celle-ci est enfin approuvée par Rome, en 1836, Pierre s’empresse de manifester ses « vieux désirs » : partir dans les missions lointaines d’Océanie.

Après un ultime pèlerinage à N. D. de Fourvière, à Lyon, c’est le grand départ, à Rouen, sur la Delphine, avec quatre autres Pères et trois Frères. Voyage long et pénible de près d’un an qui verra la mort de son meilleur ami, le P. Claude Bret, lyonnais, qu’il connaît depuis Meximieux. Et c’est enfin le débarquement, en novembre 1837, avec le Frère Marie-Nizier, sur l’îlot volcanique de Futuna peuplé d’à peine 1.000 habitants, destination totalement imprévue au départ et dont ils ne connaissaient rien : ni la langue, ni les coutumes, pas même le nom !

L’ultime témoignage

Pierre Chanel passera à peine quatre ans parmi les indigènes, cherchant simplement à les comprendre, à les soigner, à les réconcilier après les luttes fratricides plutôt qu’à les convertir.
Mais c’est en priant et peinant, en les aimant surtout, que peu à peu il sème le grain de l’Evangile dans cette terre qui résiste. Il n’en verra pas la moisson. A la petite troupe entraînée par Musumusu, gendre du roi Niuliki, venue le châtier parce que sa religion dérange les pouvoirs établis et qui déjà le frappe avec violence, il dit simplement : « Ne faites pas cela ». Mais il est trop tard, le sang coule de la tête : « l’homme au cœur bon » va mourir, à 38 ans à peine. Avant que l’herminette ne lui fracasse le crâne, il murmure dans un dernier souffle « Malié fuaï », ce qui veut dire : « C’est bien quand même… »

Frère Paul BOYAT

Songeant à la parole de Jésus :
« Si le grain tombé en terre ne meurt, il reste seul, mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit »,

Pierre Chanel avait écrit :
« La mort pour moi est un bien ».

Cette prédiction s’est réalisée à la lettre : un an après, la majorité des Futuniens est baptisée et continue de vouer au père et patron des Océaniens un culte et une admiration sans bornes.

(Publié dans « Présence Mariste » n°237, octobre 2003)

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