PM 306

Pacte éducatif mondial… pour un être nouveau

Devant les difficultés de notre monde, le pape François avait lancé, le 12 septembre 2019, un message pour un nouveau Pacte éducatif. Convocation à Rome des représentants du monde entier pour sceller un engagement commun dont le but est de construire le pacte éducatif global. Cet événement mondial n’a pas pu avoir lieu le 14 mai 2020, et il a été remis au 15 octobre 2020.

« Reconstruire le pacte éducatif mondial ». Une rencontre pour raviver l’engagement de toutes les bonnes volontés, pour et avec les jeunes générations, en renouvelant la passion d’une éducation plus ouverte et plus inclusive. Faire « alliance » entre les habitants de la Terre et la « maison commune » à laquelle nous devons sauvegarde et respect. Une « alliance » nouvelle et génératrice de paix, de justice et d’accueil entre tous les peuples de la famille humaine.

« Reconstruire le pacte éducatif mondial », c’est l’idée que « tout changement, comme le changement d’époque que nous traversons, demande un cheminement éducatif, la constitution d’un village de l’éducation, créant un réseau de relations humaines et ouvertes ».

Crise de l’environnement en tant que crise de la relation

F. Maurice Goutagny

La recherche d’un renouvellement de l’effort éducatif de l’intériorité et de l’identité, toujours plus provoquées par le monde globalisé et numérique, demande que ne se rompe pas le lien avec l’horizon social, culturel et environnemental plus large dans lequel elle s’inscrit. L’être humain et la nature doivent être pensés comme interdépendants, parce que "l’environnement humain et l’environnement naturel se dégradent ensemble, et nous ne pourrons pas affronter adéquatement la dégradation de l’environnement si nous ne prêtons pas attention aux causes qui sont en rapport avec la dégradation humaine et sociale" (LS 48).

La carence de soin de l’intériorité se reflète dans une carence de soin de l’extériorité, et vice versa : "La négligence dans la charge de cultiver et de garder une relation adéquate avec le voisin, envers lequel j’ai le devoir d’attention et de protection, détruit ma relation intérieure avec moi-même, avec les autres, avec Dieu et avec la terre" (LS 70). Mais cela se vérifie "si nous ne parlons plus le langage de la fraternité et de la beauté dans notre relation avec le monde" (LS 11). De là naît naturellement la nécessité d’une éducation écologique intégrale.

Le défi environnemental renvoie à un défi plus radical, le défi relationnel, où se joue le futur des générations et de la planète. Considérer la question environnementale comme intrinsèquement relationnelle "nous empêche – dit Laudato si’ – de concevoir la nature comme séparée de nous ou comme un simple cadre de notre vie. Nous sommes inclus en elle, nous en sommes une partie, et nous sommes enchevêtrés avec elle" (n° 139).

Ici, avant que d’être morale, la question est ontologique et anthropologique : « Il n’y aura pas de nouvelle relation avec la nature sans un être humain nouveau. Il n’y a pas d’écologie sans anthropologie adéquate » (LS 118). L’écologie intégrale qu’appelle le Pape ne doit pas être comprise de manière individualiste, comme une sorte d’écologisme romantique et moral de la beauté désenchantée de la nature, mais naît de la conscience pleine que « tout est lié », « tout est en relation », ainsi que l’a répété Laudato si (cf. n° 70, 92, 117, 120, 138, 142).

Au centre, la relation

Parmi les valeurs indispensables pour reconstruire un pacte éducatif, il semble important de s’arrêter sur la valeur de la relation éducative. Nous répétons que "si d’une part, nous ne devons pas oublier que les jeunes attendent la parole et l’exemple des adultes, en même temps nous devons avoir bien présent à l’esprit qu’ils ont beaucoup à offrir avec leur enthousiasme, leur engagement et leur soif de vérité, à travers laquelle ils nous rappellent le fait que l’espérance n’est pas une utopie et la paix un bien toujours possible.

Nous l’avons vu dans la manière dont beaucoup de jeunes s’engagent pour sensibiliser les leaders politiques sur la question des changements climatiques. La préservation de notre maison commune doit être la préoccupation de tous et non l’objet d’oppositions idéologiques entre les différentes visions de la réalité, et encore moins entre les générations" (Aux membres du Corps diplomatique auprès du Saint-Siège, vœux du 9 janvier 2020).

Greta est devenue le visage des inquiétudes environnementales des jeunes

Comme du reste le confirme l’expérience scolaire, une éducation fructueuse ne dépend pas de la préparation de l’enseignant ni des capacités des élèves, mais de la qualité de la relation qui s’instaure entre eux. De nombreux spécialistes de l’éducation ont souligné que ce n’est pas le maître qui éduque l’élève selon une transmission unidirectionnelle, ni l’élève qui construit seul ses connaissances, mais c’est plutôt leur relation qui les éduque tous deux en un dialogue qui les présuppose et en même temps les dépasse.

C’est ce que signifie mettre au centre la personne qui est relation. Cela comporte aussi la prise en charge concrète des situations de départ où se trouvent aujourd’hui beaucoup d’enfants dans le monde.

Le monde peut changer

Un autre principe fondamental à remettre au centre de l’agenda éducatif est celui par lequel on affirme que le monde peut changer… La question a été bien identifiée dans Caritas in veritate (Benoît XVI n° 42).

En effet, "on relève parfois des attitudes fatalistes à l’égard de la mondialisation, comme si les dynamiques en acte étaient produites par des forces impersonnelles anonymes et par des structures indépendantes de la volonté humaine". En réalité, les choses ne se passent pas ainsi, car les événements culturels, historiques et économiques qui se produisent, pour grands qu’ils soient, ne doivent pas être lus comme des faits indiscutables, déterminés par des lois absolues.

C’est là le message que le pape François a désiré donner aux jeunes lorsque, le 13 janvier 2017, pour la publication du Document préparatoire du Synode sur les jeunes. Un des passages les plus émouvants : "À Cracovie, lors de l’ouverture de la dernière Journée des JMJ, à plusieurs reprises je vous ai demandé : “peut-on changer les choses ?” Vous avez crié un retentissant “oui !” Ce cri nait de votre cœur qui ne supporte pas l’injustice et ne peut se plier à la culture du déchet, ni céder à la globalisation de l’indifférence. Écoutez ce cri qui monte du plus profond de vous !".

Avec le cœur des jeunes !

Aujourd’hui, cette invitation s’adresse à tous ceux qui ont des responsabilités politiques, religieuses et éducatives : c’est le moment d’écouter le cri qui monte du cœur des jeunes. C’est un cri de paix, un cri de justice, un cri de fraternité, un cri d’indignation, un cri de responsabilité et d’engagement au changement vis-à-vis de tous les fruits pervers engendrés par la culture actuelle du déchet.

C’est dans la force de ce cri des jeunes que tous, spécialement ceux qui sont engagés dans le domaine éducatif, doivent trouver la force d’alimenter cette révolution de la tendresse qui sauvera notre monde marqué par trop de blessures. Il en ressort dans toute sa vigueur l’exigence de stimuler l’attrait d’un risque sain et de réveiller l’inquiétude envers la réalité.

Oser une telle inquiétude, c’est risquer cette sortie de soi qui comporte de "courir le risque –on le lit dans Evangelii gaudium – de la rencontre avec le visage de l’autre, avec sa présence physique qui interpelle, avec sa souffrance et ses demandes, avec sa joie contagieuse dans un constant corps à corps" (n° 88). C’est ainsi que le désir reprend de l’élan et que l’on devient acteur de sa propre existence, en s’éduquant à des styles de vie conscients et responsables.

Texte recueilli par F. Maurice Goutagny
(Instrumentum laboris, du pacte éducatif mondial)

NB : LS = Laudato si.

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